Sex Beast (2 page)

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Authors: Stéphane Bourgoin

Tags: #Essai, #Policier

« Cela résume ce que je cherchais à vous faire comprendre. Je voudrais encore y ajouter une information.

« La relation qui existe entre la peur inspirée par l’approche d’une mort inévitable et des désirs sexuels inavouables est un fait reconnu depuis longtemps. Le
maniaque qui viole et tue en incarne l’illustration la plus graphique, un mariage démoniaque entre Eros et Thanatos. Le violeur qui assassine ne se préoccupe pas tant d’éliminer l’unique témoin de son forfait que d’aller jusqu’au bout de son acte sexuel, tel qu’il le fantasme. Je me demande d’ailleurs s’il en comprend la signification. Moi, je ne la comprends pas, et ces mêmes sentiments m’agitent en permanence. Je tuerais une fille si je la violais, mais je ne sais pas pourquoi.

« Voici un autre exemple.

« La police découvre un cadavre pendu dans un placard. Ce coiffeur porte seulement un soutien-gorge noir, un porte-jarretelles et des bas nylon. L’homme a les cuisses et le cou entourés de lourdes chaînes. La mort a été causée par ses propres pratiques de tortures masochistes. Il s’est flagellé avec les chaînes, avant de se masturber et de se pendre.

« Tout cela appartient à ma propre expérience de la perversion et j’aimerais pouvoir m’en libérer car cela freine ma créativité en tant qu’être humain. Mon esprit ne parvient pas à fonctionner correctement car il tente en permanence de réprimer ces envies et le désir d’y donner libre cours. La plupart du temps, le combat est perdu d’avance. Je suis certain qu’il doit y avoir une réponse quelque part. Peut-être qu’un jour la compréhension de ce problème et des facteurs qui l’ont engendré me permettront de guérir. »

 

Ces sept feuilles dactylographiées ont été trouvées dans l’ancienne chambre à coucher de Gerard John
Schaefer, dans la maison de sa mère Doris, à Fort Lauderdale, lors d’une fouille effectuée par le sergent Chuck Hemp, le 7 avril 1973 à 12 h 35. Ce document porte la référence « Scellés IV, Item A ».

Chapitre II

21 JUILLET 1972 : L’ARRESTATION

Ce témoignage a été recueilli auprès de Nancy Ellen Trotter qui, depuis son mariage, a changé d’identité et d’adresse. En 1972, elle habite au 28477 Eastbrook Court, à Farmington, dans le Michigan. Avec son amie Pamela Sue Wells, elle fait de l’auto-stop jusqu’en Floride. Son procès verbal d’audition est enregistré par le sergent H.J. Knichel du Martin County Sheriff Department, à Stuart, en Floride, le 22 juillet 1972.

« Nous rentrons juste de la plage avec Susan Wells, je crois qu’elle s’appelle Jensen Beach, et nous faisons
du stop pour rentrer en ville chez une copine qui nous héberge depuis quelques jours. Nous ne savons pas si c’est autorisé de faire du stop en Floride. Il devait être 17 h 30 ou 18 heures environ lorsque ce sergent nous a abordées. Celui que nous avons identifié sous le nom de Schaefer. Il nous a demandé nos papiers. J’avais les miens, mais pas Sue. Je lui ai proposé de nous emmener en ville, mais il a répondu que c’était illégal. J’ai ajouté que c’était pour vérifier si nous habitions bien en ville et pour montrer la carte d’identité de Sue. Il a appelé le poste par radio et on lui a dit que c’était OK. Je me souviens qu’il a parlé de deux filles, mais je ne sais plus s’il a mentionné nos noms. Lorsque nous sommes montées à bord du véhicule de patrouille, il a indiqué le kilométrage ; il a fait de même lorsqu’il nous a déposées. J’étais assise devant et Sue à l’arrière. Il a été très sympa. Il nous a raconté qu’il avait fait du stop un peu partout, en Europe et en Afrique, du temps où il était professeur. Nous sommes vite arrivés chez notre amie sur East Ocean Boulevard, face au palais de justice. On lui a dit qu’on voulait retourner à la plage le lendemain pour bronzer. Il a offert de nous y emmener le lendemain matin. Nous avons pris rendez-vous pour 9 h 30 près du petit square en face du palais de justice.

« Nous étions dehors le lendemain vers 9 h 10 et il s’est pointé entre 9 h 15 et 9 h 30. Nous étions assises sur un banc lorsqu’il est arrivé à pied. Il ne portait pas d’uniforme, il était même en short et sans son véhicule de patrouille. Sans qu’on lui demande,
il a mentionné qu’il était de service mais en vêtements civils et qu’il devait aussi utiliser son propre véhicule. Nous nous sommes installées à bord et on lui a demandé ce qu’il devait faire. S’il avait une destination en particulier ? Schaefer a dit que non, il était juste là pour observer. Puis il nous a proposé de visiter ce vieux fort espagnol à l’abandon, situé en bord de rivière, avant de nous emmener à la plage. Nous avons dit oui. C’était dans la même direction que la plage et ça avait l’air cool.

« Au bout de quelques minutes, nous avons quitté la route principale, la A1A, pour un petit chemin de terre sur la gauche. Il y avait un arbre qui avait l’air très vieux avec une pancarte “Propriété privée”. Ensuite, nous avons aperçu ce fort plutôt délabré. Il nous a parlé d’un bateau qui devait se trouver quelque part à l’intérieur, mais nous n’avons rien trouvé. Il a aussi mentionné une centrale nucléaire qui se trouvait un peu plus loin dans les bois. On se rapprochait de la voiture lorsqu’il nous a adressé la parole :
“Hé, vous m’avez menti hier. Je sais que vous êtes des fugueuses.” J’ai dit que c’était faux. Et que de toute façon, j’étais majeure puisque j’avais 18 ans. Il a dit qu’il avait appelé nos parents qui étaient vraiment très inquiets et souhaitaient notre retour. Il nous a indiqué qu’il allait nous ramener chez nos parents et qu’il allait nous menotter toutes les deux pour nous empêcher de nous enfuir.

« Comment avait-il eu nos adresses ? Le jour précédent, Schaefer avait jeté un coup d’œil sur mon permis de conduire et il avait noté nos noms sur un bout de papier, Sue Wells et Nancy Trotter. A moins qu’il ne se soit souvenu de Farmington, dans le Michigan. Une fois de retour dans le véhicule, il a répété qu’on lui avait menti. Je lui ai dit que c’était faux, que je n’étais pas une fugueuse et que ma mère était au courant de mon voyage en Floride. Pour Sue, c’était différent, elle était partie sans demander la permission, mais, depuis, elle avait téléphoné à sa mère. En plus, on leur avait écrit. Schaefer a insisté pour savoir si nos parents connaissaient exactement l’endroit où nous étions. Ce n’était pas le cas car nous venions tout juste d’arriver en Floride. Il a indiqué qu’il nous plaçait en état d’arrestation parce que nous étions des fugueuses. On a cru à une blague de sa part, et ça nous a fait beaucoup rire. J’ai rigolé en ajoutant que d’ici une semaine, j’avais de toute façon l’intention de rentrer chez moi et que ça me ferait un voyage gratuit. Il s’est mis en colère et nous a ordonné de sortir de la voiture et de vider le contenu de nos sacs.

« Il nous a passé les menottes dans le dos. Schaefer a ensuite fouillé nos sacs, je pense pour vérifier si on avait de la drogue. Il a pris mon canif et une petite paire de ciseaux. Il n’a rien trouvé d’autre. Il nous a posé plein de questions sur les personnes qui nous hébergeaient sur East Ocean Boulevard. Est-ce que ces deux filles nous connaissaient bien ? Avaient-elles l’adresse de nos parents ? On lui a répondu que c’étaient des “Jesus Freaks” qui travaillaient dans un centre de probation avec un pasteur qui recueille d’anciens drogués. Ils sont toujours cinq ou six là-bas. Il voulait nous faire dire qu’il y avait plein de drogue et, du coup, nos réponses l’énervaient. En fait, ces gars-là et ces deux filles qui nous hébergeaient, c’était tout pour Dieu. Personne ne se drogue ou boit de l’alcool. Pour le calmer, on a commencé à mentir.

« Puis il a embrayé sur la traite des Blanches. Que pour nos parents, faire de l’auto-stop était dangereux. Qu’on pouvait faire de mauvaises rencontres. Brusquement, il a déclaré : “Je pourrais vous vendre toutes les deux à un réseau de traite des Blanches.” Sue ne savait
pas ce que c’était, mais moi j’étais au courant. “Vous avez dû entendre parler de gens qui disparaissent à tout jamais.” Il nous a raconté une affaire de disparition. “Il n’y a pas de crime s’il n’y a pas de cadavre. C’est juste enregistré comme une disparition et personne ne retrouvera jamais le moindre corps.” Il avait l’air très content de lui, avec un sourire malsain. J’ai commencé à avoir peur. Je pensais que c’était une tactique pour nous effrayer et nous faire avouer qu’il y avait de la drogue cachée quelque part. Même lorsqu’il nous a mis les menottes, à Sue et moi, on a pensé que c’était une plaisanterie de sa part.

« C’était une vraie fournaise dans la bagnole et les menottes me faisaient très mal. J’ai décidé de ne plus lui parler pour qu’une fois dégoûté, il nous raccompagne au commissariat ou ailleurs. Mais ce n’était pas le cas. Il a démarré pour poursuivre sur le chemin de terre, mais c’était pour trouver un endroit qui lui permette de faire demi-tour, et on est revenus près du fort espagnol où il s’est garé à l’ombre. En fait, il voulait
encore nous parler. Nous n’avions rien à dire et il a continué à déblatérer sur la traite des Blanches. Il se demandait combien il pourrait obtenir pour toutes les deux et disait qu’il connaissait quelqu’un à qui il pourrait téléphoner et qui viendrait tout de suite nous chercher. Il voulait savoir si nos parents seraient prêts à payer une rançon et on a répondu oui toutes les deux. Sauf que les parents de Sue n’ont pas beaucoup d’argent.

« Ensuite il nous a demandé si on serait prêtes à baiser avec lui pour 150 dollars. On lui a dit que non. Il a ri aux éclats en affirmant que son contact était dans un réseau de traite des Blanches et qu’on devrait le faire pour rien. Nous sommes sortis de la voiture, il a ouvert le coffre pour prendre des cordes et des draps. Les morceaux de tissu étaient déjà coupés en lanières pour servir de liens et de bâillons. Tout était prêt. Il nous a obligées à marcher devant lui jusqu’à une sorte
de clairière entourée de broussailles où il a étendu le drap sur le sol. Sue s’est assise dessus, les jambes allongées ; il les lui a attachées avant de la bâillonner. Il a ensuite fixé un morceau de tissu sous la poitrine de Sue pour lui entourer les bras, afin de l’empêcher de lever en l’air ses mains qui étaient déjà menottées.

« J’avoue que je ne savais pas quoi penser. J’avais très peur parce qu’il ne m’avait pas ligotée. Je me demandais s’il allait nous violer ou s’il voulait obtenir une rançon, mais je n’ai pas cru une seule seconde à cette histoire de traite des Blanches. Je n’osais pas bouger, j’étais comme paralysée. Puis il m’a fait signe de le suivre. J’ai pensé qu’on allait se diriger vers la voiture, mais nous sommes partis à pied en direction de la rivière. J’avais vraiment la trouille. Sue était toujours assise sur le drap et il m’a demandé si je croyais qu’elle allait s’enfuir. Il l’a menacée de me tuer si elle bougeait ne serait-ce qu’une oreille, et qu’ensuite ce serait son tour. Il m’a dit de me dépêcher. J’avais du mal à marcher car il nous avait forcées à retirer nos chaussures. C’était une vraie jungle, humide, étouffante, avec des marécages. Je l’ai supplié de ne pas m’emmener par là car j’étais dévorée par les moustiques. Il a ignoré ma demande. Il nous avait pulvérisé9es avec un spray, du 612, mais ça commençait à ne plus faire effet face aux nuées de moustiques. Nous nous sommes arrêtés devant un arbre au tronc énorme, avec d’innombrables branches. J’ai dû m’installer en équilibre sur une grosse racine noueuse qui affleurait au-dessus du sol, puis il m’a ligoté les jambes à l’aide d’une corde. Il m’a passé un nœud coulant, préparé à l’avance, autour du cou,
avant d’enrouler la corde sur une branche au-dessus de ma tête. Il a tiré dessus, ce qui m’a complètement étouffée. Je me suis mise à pleurer et il a un peu desserré l’étreinte. Ensuite il m’a pincé les fesses, du coup je me suis retournée pour lui dire : “Arrête ça ! — Ferme ta gueule, m’a-t-il rétorqué. Je pourrais te violer tout de suite ou tu préfères peut-être que je descende ta braguette ?” Il a commencé à vouloir tripatouiller la fermeture Eclair de mon pantalon, mais je me suis retournée pour l’en empêcher. Et il a stoppé son geste. Je devais faire très attention parce que j’avais les pieds en équilibre sur cette grosse racine et, si je glissais, j’étais morte. Je me serais pendue. Je savais très bien qu’il l’avait fait exprès. Il nous a menacées en nous avertissant que si on criait, on serait mortes. Ensuite, il est parti je ne sais où.

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