The Running Man (16 page)

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Authors: Richard Bachman

Tags: #Fiction, #Horror, #Thrillers, #General, #sf

En bas, la mère d’Elton pleurait.

Compte à rebours...
050

Richards somnola un peu. Il faisait presque nuit lorsqu’il entendit avec soulagement le pas pesant d’Elton dans l’escalier. Il se redressa.

Parrakis frappa et entra. Richards vit qu’il s’était changé. Il portait maintenant une chemise sport trop grande pour lui (où avait-il pu dénicher
ça
 ?) et des jeans.

— Ça y est, dit-il. Elle est dans le parc.

— Elle ne risque rien ?

— Non. J’ai mis un petit gadget que j’ai bricolé. Si quelqu’un y touche, il reçoit une secousse électrique. En même temps, ça actionne une sirène. C’est efficace.

Il s’assit en poussant un immense soupir.

— Qu’est-ce que c’est que cette histoire de Cleveland ? demanda Richards sur un ton autoritaire (il était facile de prendre ce ton avec Elton).

Parrakis haussa les épaules.

— Bradley, y connaît un gars. Un type un peu comme moi. Je l’ai rencontré une fois à Boston, à la bibliothèque. Il fait partie de notre petit club antipollution. Maman a dû vous en parler...

Il se frotta nerveusement les mains.

— Elle m’en a dit quelques mots.

— Maman est un peu... embrouillée. Elle ne comprend pas grand-chose à ce qui s’est passé depuis une vingtaine d’années. Elle a tout le temps peur. Elle n’a plus que moi.

— Vous croyez qu’ils vont attraper Bradley ?

— Je sais pas. Il a un excellent... service de renseignements, dit Elton, mais son regard évitait celui de Richards.

— Vous...

La porte s’ouvrit et Mme Parrakis apparut, les bras croisés sur la poitrine. Elle souriait, mais son regard était insondable.

— Il faut que vous partiez, annonça-t-elle. J’ai appelé la police.

Le teint d’Elton devint d’un blanc crémeux.

— Tu mens.

Richards se leva lentement, puis s’immobilisa, prêtant l’oreille.

Tout au loin, un faible bruit de sirènes.

— Elle ne ment pas, dit-il, complètement démoralisé. Et voilà ! Retour à la case départ.

— Elle ment, insista Elton.

Il se leva à son tour, puis avança la main pour prendre Richards par le bras, mais la retira aussitôt, comme s’il avait peur de se brûler.

— Ce ne sont que les pompiers.

— Emmenez-moi à la voiture ! Vite !

Les gémissements modulés des sirènes se rapprochaient, emplissant Richards d’une épouvante comme on n’en ressent que dans les cauchemars. Et il était enfermé ici avec ces deux fous pendant que...

— Maman...

Le ton d’Elton était suppliant.

— Je les ai appelés ! glapit Mme Parrakis en empoignant un des énormes bras de son fils. Il le fallait. C’est pour ton bien ! Ce négro t’a fait perdre la tête. On dira qu’il s’est introduit dans la maison et on touchera la récompense...

— Venez, dit Elton à Richards en essayant de se dégager, mais elle s’accrochait désespérément à lui.

— Il le fallait, Eltie. Tu as fait assez de bêtises, avec tes idées de gauche. Tu vas...

Il la repoussa sauvagement, la faisant tomber sur le lit.

— Eltie ! hurla-t-elle.
Eltie... !

— Vite ! dit Elton, le visage tordu en une grimace de désespoir. Vite, venez !

Ils descendirent les escaliers en se bousculant, sortirent dans la rue et coururent vers le parc. Elton traînait son énorme masse en soufflant comme un phoque.

Malgré la fenêtre et les volets fermés, le hurlement de Mme Parrakis leur parvint, se mêlant au hululement des sirènes :

— JE L’AI FAIT POUR TOOIIIII !...

Compte à rebours...
049

Ils dévalèrent la rue jusqu’au parc, poursuivis par leurs ombres, qui s’allongeaient puis rétrécissaient à chaque lampadaire G-A protégé par un grillage métallique. La respiration sifflante d’Elton faisait un bruit de locomotive.

Ils traversaient la rue lorsque la lumière crue de deux phares les frappa de plein fouet. A une centaine de mètres, une voiture de police freina dans un grincement de pneus, son gyrophare bleu lançant des éclairs.

— RICHARDS ! BEN RICHARDS ! cria une voix dans un mégaphone.

— Ta bagnole... Tu la vois ? haleta Elton.

Richards aperçut la Wint, à moitié cachée par un bouquet de saules malingres, au bord du lac.

La voiture de patrouille redémarra brutalement, dans un rugissement de moteur à essence. Ses pneus laissèrent des traces noires sur la chaussée. Elle s’élança droit vers eux, monta sur le trottoir et s’engagea dans une allée du parc, soulevant des gerbes de feuilles mortes et de terre.

Richards, qui était presque arrivé à la Wint, se retourna lentement. Il avait soudain très froid. Il sortit de sa poche le pistolet que Bradley lui avait donné, visa le pare-brise de la voiture qui lui fonçait dessus et tira à deux reprises, puis s’écarta au dernier moment et se jeta au sol. La voiture passa entre lui et la Wint, projetant des ombres fantomatiques, puis vira avec un hurlement aigu et revint à la charge comme un bison en fureur. A genoux dans l’herbe sèche, Richards vit que le pare-brise était seulement étoilé. Derrière lui, Elton s’affairait frénétiquement autour de la Wint ; il fallait retirer le dispositif d’alarme avant de pouvoir démarrer. Presque à bout portant, aveuglé par les phares, Richards tira de nouveau dans le pare-brise. Cette fois, la balle perça le verre de sécurité.

La voiture était sur lui. Il roula de côté, mais le pare-chocs en acier accrocha son pied gauche, lui tordant violemment la cheville.

Dans un délire d’adrénaline, il vit la voiture de police s’éloigner, tourner, revenir vers lui, avec une lenteur onirique, délibérée, comme dans un ballet où le moindre mouvement est calculé.

Il crut voir la portière de la voiture s’ouvrir. Une mitraillette crachota. Il entendit le bruit sourd des impacts qui dessinaient des dessins fantastiques dans la terre meuble. Une nouvelle rafale. Cette fois, une balle traversa son bras gauche. Sur le moment, il ne sentit presque rien. La voiture fonçait de nouveau droit sur lui. Il s’écarta à temps. Au passage, il vit nettement la silhouette du conducteur et tira. La vitre latérale vola en éclats ; la voiture partit à la dérive, heurta un arbre, puis un autre et se coucha sur le côté dans un grincement de tôles. Le moteur cala. Dans le silence soudain, Richards entendit nettement le crachotement de la radio.

Incapable de se lever, Richards rampa vers la Wint. Parrakis était monté et essayait de la faire démarrer. Dans son affolement, il avait dû oublier d’ouvrir les évents de sécurité. Chaque fois qu’il tournait la clef, on entendait une toux creuse dans les chambres, et c’était tout.

La nuit s’emplissait du bruit des sirènes. Il semblait venir de toutes les directions à la fois.

Elton réussit finalement à démarrer. L’air-car bondit de l’avant, et freina sec à un mètre de Richards.

Il se mit à genoux, réussit à se dresser sur une jambe, ouvrit la portière côté passager et s’affala sur le siège. Parrakis prit la direction de la 77, qui coupait State Street un peu au-dessus du parc. La Wint filait à toute vitesse, frôlant presque le macadam sur son coussin d’air.

Deux voitures de police, gyrophares bleus en action, apparurent derrière eux et se lancèrent à leur poursuite.

— On n’est pas assez rapides, haleta Elton. On n’arrivera pas à les semer...

— Prends par ce terrain vague ! lui cria Richards. Ils sont sur roues.

Tanguant dangereusement, la Wint franchit le trottoir et s’engagea dans le vaste espace parsemé de débris divers. Elton jouait du volant comme un fou, évitant les plus gros obstacles. Derrière eux, une voiture de police arrivait déjà dans un hurlement de sirène. Soudain leur lunette arrière explosa, les parsemant de fragments de verre. La voiture de police, filant à cent à l’heure, ne put éviter une grosse pierre. Elle se renversa dans un hurlement de tôle, le réservoir crevé ; une étincelle le fit exploser en une éblouissante boule blanche et pourpre.

La deuxième voiture de patrouille était restée sur la chaussée. Elton l’avait gagnée de vitesse, mais les flics n’allaient pas tarder à les rattraper. Les voitures à essence étaient près de trois fois plus rapides que les air-cars.

Parrakis vira presque à angle droit ; la Wint s’inclina dangereusement, puis se stabilisa. Richards vit que la rue dans laquelle ils s’étaient engagés donnait sur la rampe d’accès à l’autoroute de la côte. Sur une autoroute, ils étaient fichus.

— Tourne ! hurla-t-il. Cette petite rue ! Vite ! (La voiture de patrouille n’était pas encore en vue.) Tourne, nom de Dieu !

— C’est une impasse ! cria Elton, épouvanté. On va être coincés !

Richards lui arracha le volant des mains. Elton appuyait toujours sur l’accélérateur, pied au plancher. La voiture prit le tournant trop vite. Elle accrocha le coin de l’immeuble de gauche, traversa la rue en diagonale, éparpilla deux ou trois poubelles en plastique et un tas d’ordures, puis percuta un mur en brique. Richards fut violemment projeté contre le tableau de bord. Il entendit son nez craquer ; sa bouche s’emplit de sang.

La Wint était à cheval sur le trottoir. Un cylindre toussotait encore faiblement. Parrakis, effondré sur le volant, ne bougeait plus. Pas le temps de s’occuper de lui. Richards ouvrit d’un coup d’épaule la porte faussée. Clopinant sur une jambe, il gagna le bout de la ruelle tout en rechargeant le pistolet. Bradley lui avait donné une boîte de cartouches. Elles étaient froides et légèrement graisseuses au toucher. Il en fit tomber quelques-unes. Son bras gauche commençait à l’élancer comme une dent cariée. La douleur lui donnait la nausée.

Des phares éclairèrent brutalement la rue déserte. La voiture de police prit le virage à une allure folle, chassa de l’arrière, se redressa et se remit à foncer. Dans un instant, un des flics se rendrait compte qu’il n’y avait pas de feux arrière devant eux, verrait la ruelle et comprendrait...

Reniflant et avalant du sang, il se mit à tirer. A cette distance, les balles traversaient les vitres comme si c’était du papier. A chaque coup, le recul ébranlait son bras blessé, lui faisant mal à hurler.

La voiture de police sembla hésiter, puis décrivit un arc de cercle et entra dans un mur en béton. L’impact fut si violent qu’elle explosa instantanément. Sur le mur, une vieille affiche disait : ÉCHO RÉPARATIONS LIBERTEL ― VOUS L’AIMEZ, NOUS EN PRENONS SOIN !

Mais d’autres allaient arriver. Il y en avait toujours d’autres.

Haletant et grimaçant de douleur, Richards retourna à la Wint. A force de sautiller sur sa jambe droite, il commençait à avoir des crampes.

— Je suis blessé, gémissait Parrakis, toujours affalé sur le volant. J’ai si mal... Où est maman ? Maman...

Richards se glissa sous la Wint. Il se mit frénétiquement à nettoyer les chambres des ordures qui s’y étaient accumulées. Son nez pissait le sang. Il en avait plein les joues et les oreilles.

Compte à rebours...
048

Sur les six cylindres, seuls cinq fonctionnaient. La voiture avançait légèrement de travers et ne pouvait dépasser le soixante à l’heure.

Du siège du passager, où Richards l’avait traîné, Parrakis lui indiquait l’itinéraire. La colonne de direction lui avait perforé l’abdomen. Richards pensait qu’il était fichu. Sous les mains de Richards, le volant était tout poisseux de sang.

— Je suis désolé... disait Parrakis. Là, la prochaine à gauche... Tout est de ma faute. J’aurais dû m’en douter. Elle... est pas bien dans sa tête. Elle...

Il cracha un gros caillot de sang noir. Les sirènes emplissaient toujours la nuit, mais elles étaient loin, et très à l’ouest. Ils avaient réussi à sortir de la ville et suivaient une succession de petites routes que Parrakis connaissait, roulant en gros vers le nord, parallèlement à la 9.

La banlieue de Portland céda peu à peu la place à des marécages broussailleux, anciennes forêts impitoyablement déboisées par les bûcherons du dimanche.

— Tu sais au moins où tu m’emmènes ? demanda Richards.

Il avait mal partout. Le sang qui emplissait son nez l’obligeait à respirer par la bouche. Le pire, c’était sa cheville. Elle était sûrement brisée.

— Un endroit que je connais, répondit Elton Parrakis en crachant de nouveau du sang. Que je connais... Elle me disait toujours, tu n’auras jamais de meilleur ami que ta maman. Imagine... Et je la croyais. Tu crois qu’ils vont lui faire du mal ? La mettre en prison ?

— Non, répondit sèchement Richards, qui n’en avait pas la moindre idée.

Ils avaient quitté la
Porte bleue
à 7 h 10. Il était 7 h 40. Une demi-heure, seulement. Il avait l’impression d’être en route depuis des années.

Au loin, d’autres sirènes se joignirent au chœur sinistre.
L’innommable à la poursuite de l’immangeable
, pensa Richards sans suite.
Si tu n’aimes pas ce jeu, retire tes billes
. Mais il ne pouvait pas. En tout cas, il avait, seul, envoyé deux voitures de patrouille au diable. Une prime de plus pour Sheila et Cathy.
Comment allez-vous, mes chéries ?
Cathy s’étranglerait-elle en buvant le lait acheté avec l’argent du crime ?
Je vous aime. Sur cette foutue petite route où ne viennent sûrement que des braconniers et des amoureux en quête d’un coin tranquille, je pense que je vous aime et je vous souhaite de beaux rêves. Je voudrais...

— A gauche, croassa Elton.

La route bosselée fit place à une allée asphaltée serpentant entre des trous emplis d’eau croupie, qui répandait une odeur âcre et sulfureuse ; quelques pins et bouleaux rachitiques projetaient des ombres inquiétantes à la lumière des phares. Parfois, une branche basse frôlait le toit de la voiture en grinçant.

Ils passèrent devant un panneau : LE CHAMP DES PINS ― CHANTIER INTERDIT AU PUBLIC ― DES POURSUITES SERONT ENGAGÉES CONTRE TOUT CONTREVENANT.

 Cent mètres plus loin, en haut d’une petite montée, Richards arrêta la voiture. Le chantier s’étendait devant eux. Manifestement le squelette (ce n’était guère plus) d’un futur centre résidentiel et commercial. Les travaux avaient dû cesser depuis au moins deux ans. Un dédale de constructions aux ouvertures béantes, de tranchées, de parpaings entassés, de canalisations rouillées. Quelques cabanes de chantier en plastique ondulé, envahies par les ronces, les orties et les sureaux. Fondations emplies d’eau et de boue, semblables aux tombes de dieux oubliés. Emplacements de parkings dégagés au bulldozer, où se dressaient déjà quelques bouleaux rabougris.

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