The Setting Lake Sun (11 page)

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Authors: J. R. Leveillé

People thought I was adopted.

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La route vers Thompson semble longue et désolée au début. On entre enfin dans les forêts de conifères qui bordent la route, ce qui change. Mais en plusieurs endroits ils ont été détruits par des incendies, on dirait un spectacle de squelettes. Les villages sont plutôt rares et la route mène vers les premiers grands barrages hydroélectriques.

C'est un coin de pays plutôt appauvri, on passe dans la nature sauvage et près de quelques réserves cris et ojibwas. On voit tout ce qu'on a fait au pays et au peuple. Petit à petit le paysage du Nord prend de l'envergure, l'épinette noire, et la blanche s'imposent, du tremble et du bouleau se mêlent à du pin gris et du mélèze, ce merveilleux conifère qui, comme je l'ai appris depuis, devient doré à l'automne, le seul de son espèce à perdre ses aiguilles en hiver.

*

The next section of the road to Thompson is a barren stretch. You eventually enter a region of evergreen forest that grows close to the highway. It's a welcome change. But in several places, where the trees have been destroyed by fire, it seems that you're watching a show put on by skeletons. The towns are few and far between, and the road leads to the first of the big hydroelectric dams.

That part of the country is impoverished. The road takes you through some rough terrain and passes close to Cree and Ojibwe reserves. You get a sense of what has been done to the country and its people. Then little by little the true Northern landscape asserts itself, with black and white pine taking precedence, silver birch and aspen growing alongside grey pine and larch. The larch is a marvellous conifer that, I've since learned, turns golden in the fall and is the only member of its species to lose its needles in winter.

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Ueno et moi parlions, et tout cela passait un peu comme un décor de scène, car, malgré son effet, nos propos étaient ailleurs.

Il faut mettre huit heures pour se rendre à Thompson. Ce qui m'a plu, ce sont les arrêts que nous faisions aux stations-service au beau milieu de nulle part, semblait-il, pour nous rassasier, ou aller aux toilettes, ou prendre du chocolat. J'aime le chocolat.

Les employés ont tous leur caractère. C'est ce qu'Ueno appelle « rencontrer du monde ». Je songe à ce jeune homme tout pétillant d'énergie, comme s'il travaillait pour une grande station-service urbaine. On a demandé de faire le plein. Et après quelque temps, Ueno a dit :
It should be done soon
.

—
About thirty bucks
, a lancé le jeune homme.

Et une dizaine de litres plus tard, pendant que le garçon nettoyait le pare-brise, la pompe s'est arrêtée automatiquement sur trente dollars.

— Dans le mille, ai-je dit à Ueno qui s'est retourné vers le garçon :

—
Close enough
. 

Nous avons tous éclaté de rire.

*

Ueno and I were chatting as we drove, the landscape rolling past like a backdrop. Our attention was elsewhere.

It takes eight hours to reach Thompson. What I liked most were our stops at the service stations that seemed to be plunked down in the middle of nowhere, where we'd stretch, go to the bathroom, or get a chocolate bar. I love chocolate.

The staff at these places were real characters, so we got to “meet the people,” as Ueno would say. There was one young man brimming with energy who acted as if he were working for a big-city gas station. Ueno had asked him to fill it up, and after a while he said, “It should be full soon.”

“It'll be about thirty bucks,” the young man shot back.

And a dozen litres or so later, while he was cleaning the windshield, the pump clicked off automatically at exactly thirty dollars.

“Right on the money,” I told Ueno, who turned to the young man and said, “Close enough.”

We all burst out laughing.

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Il y avait de la magie dans l'air. La cabine du camion avait l'allure d'un vieux vaisseau spatial, un routier de l'intergalactique qui en avait vu et en avait roulé. Le tissu de la banquette était usé au point d'être noirci et poli, et avait l'apparence de cuir par endroits. Un assortiment d'objets traînait ici et là. Par terre, on retrouvait des pièces de rechange, un sac de voyage, une hache, un bâton de base-ball fort abîmé, un coffre d'outils; sur le tableau de bord : des vis, des petites statuettes d'argile ; au rétroviseur pendait une pièce d'ivoire retenue par des lanières de cuir. « De la défense de narval », a précisé Ueno quand il me l'a remise en cadeau. Un assemblage hétéroclite. Un véritable camion !

Et deux mégots de cigare dans le cendrier.

— Malheureusement, le tabac, a-t-il admis, s'attaque aux papilles gustatives et détruit ce sens, à ce qu'il semble. Mais j'y ai pris goût.

Il s'est mis à rire et, pour la première fois, j'ai porté mon attention sur ses dents, quelque peu jaunies, surtout celles près des molaires recouvertes d'or. J'avais cru que les Japonais possédaient une dentition exemplaire.

*

There was magic in the air. The truck's cab looked like an old space ship, a seasoned traveller of intergalactic routes that had seen a lot of sky. The fabric covering the bench was worn to a blackened sheen and looked like leather in places. The cab was filled with an assortment of objects. On the floor you could find spare engine parts, a haversack, an ax, a very beaten-up baseball bat, a tool chest. On the dash sat some screws, next to small clay statuettes. The rearview mirror had a piece of ivory lashed to it with leather thongs. “From a narwhal tusk,” Ueno explained when he presented it to me as a gift.

It was a motley collection. A real truck.

And it had two cigar butts in the ashtray.

“They say tobacco attacks and destroys the palate. But, unfortunately, I've developed a taste for it.”

He started to laugh and for the first time I took a close look at his teeth; they were quite yellowed, especially those next to his gold-capped molars. I used to think the Japanese had flawless teeth.

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Le camion portait un nom inscrit sur une plaque de plastique fixée au capot – comme le font si souvent les conducteurs de remorque. Celui-ci rappelait un tatouage commun que les matelots portent au bras : Mom. Ça faisait kétaine. C'était touchant.

— Je l'ai acheté comme cela, m'a-t-il confié. C'est ce qui m'a attiré. Vendu ! dès que j'ai aperçu le nom.

Ueno avait fait installer un laser qui jouait pour l'occasion un genre de musique japonaise.

— Ce sont des chansons traditionnelles, m'a-t-il expliqué, un peu occidentalisées. On y retrouve des instruments authentiques, le koto, le
shakuhachi
. Et puis il y a le vieux Jean-Pierre Rampal qui joue de la flûte moderne. Regardez sa photo sur la pochette. C'est comique de le voir en kimono. Par contre, quand il joue de la flûte, on croit entendre le bambou.

*

The truck had a name. It was printed on a plastic plate attached to the hood, in the classic style of a big rig. This particular name reminded me of the tattoo a sailor might get stencilled on his arm—”Mom.” It was kitschy, it was cute.

“It was there when I bought the truck,” he told me. “That's what sold me on it.”

Ueno had installed a CD player in the truck and to mark our arrival he inserted a recording of Japanese music.

“Traditional songs that have been Westernized a little,” he explained. “They use authentic traditional instruments such as the
koto
and the
shakuhachi
, with the venerable Jean-Pierre Rampal playing the modern flute. Look at his photo on the liner. He looks a bit funny in a kimono, doesn't he? But when he plays his flute you'd swear you can hear bamboo.”

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J'étais bizarrement vêtue, et je me sentais folâtre. Je portais des collants zébrés, des petites bottines, une chemise à carreaux, une jupe beige avec des bretelles à motif cachemire et un chapeau beige. J'avais les cheveux tressés. Ça faisait petite fille, un peu hippy, je me sentais bien.

D'ailleurs, j'étais allée à l'Armée du Salut acheter des bottes de travail usagées. Je savais qu'Ueno en portait régulièrement, et je ne voulais pas que les miennes paraissent trop neuves. Elles étaient rangées avec mes affaires dans mon sac à dos. Je m'étais dit ou imaginé que dans le Nord, dans le muskeg, dans la boue, dans la forêt sauvage, il fallait porter quelque chose de solide aux pieds.

*

On the day I had agreed to travel up north with Ueno, I dressed myself in a slightly zany get-up that made me feel playful. I was wearing striped tights with little booties, a lumberjack shirt, a beige skirt held up by suspenders with an East Indian pattern, and a beige hat. My hair was in braids. It gave me a little-girl look, slightly hippie, and I felt great.

I'd also gone to the Salvation Army Thrift Store to buy myself a pair of used construction boots. That's what Ueno usually wore and I didn't want mine to look too new. I'd brought them along with the rest of my things in my backpack. I'd convinced myself that up North, in the muskeg, in the mud, in the big woods, you had to have something sturdy on your feet.

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— On arrive, a-t-il dit.

Ueno Takami demeurait un peu avant Thompson, près de Wabowden. Il avait un terrain boisé donnant sur Setting Lake. Nous avions quitté la route principale pour pénétrer carrément dans des routes de gravier et de terre. Puis soudain, en montant sur un léger plateau, nous avons débouché sur un espace à demi découvert. Devant, entre les arbres bien entretenus, il y avait sa cabane; derrière elle, en raison de la hauteur, on voyait le lac.

— Nous sommes chez moi.

— D'ici, on croit vraiment que le lac se couche à tes pieds.

Setting Lake, « le lac qui se couche » comme je n'ai cessé de l'appeler. C'est un nom poétique et l'image d'un lac qui descend comme un crépuscule me plaisait. Mais Ueno m'a expliqué, un jour, que le nom du lac vient de la langue algonquine et veut dire « là où l'on place les filets ».

— Et la pêche est bonne ? lui ai-je demandé.

— Miraculeuse.

J'étais bien.

*

“We're almost there,” he announced.

Ueno Takami's house was situated just south of Thompson, near Wabowden. He owned a wooded lot on Setting Lake.

We'd left the main road to head down a narrow track of dirt and gravel. When we topped a small plateau, the forest suddenly thinned out and the space opened up. Ahead of us, between well-tended trees, was his cabin; beyond it, from the height of land, we could see the lake.

“This is my place.”

“From here, you'd think the lake really was setting itself down at your feet.”

For a long time I thought the name meant “the lake that is setting.” I liked the poetry of it. The image of a lake slowly sinking down, like the night coming on, always pleased me. But Ueno one day explained to me that the lake's name was a translation from the Algonquin, and meant “where we place the nets.”

“So is the fishing good?” I asked him.

“Miraculous,” he said.

And we both laughed.

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Il faut que je parle tout de suite de sa cabane. Facile d'imaginer, en raison de mon intérêt pour l'architecture, à quel point elle m'a frappée.

C'était une cabane qui ressemblait à la fois à un tipi, à une cabane en rondins typique, et à l'architecture japonaise moderne. Elle était simple et stylisée. C'est l'intégration des proportions et le jeu des matériaux qui faisaient qu'elle ne jurait pas en ce lieu. Mais elle nous obligeait à réfléchir sur toute la question de l'habitat dérivé de son origine dans la nature. Je n'étais pas très consciente de cela à ce moment, mais ce sont des observations qui se sont éveillées en moi.

Le toit, qui plongeait plus profondément vers le lac, semblait un hommage au tipi. Il en avait la hauteur élancée et la pointe centrale où des poutres s'entrecroisaient et semblaient tourner en colimaçon. Entre les poutres partiellement exposées de la toiture, des sections de bardeaux de cèdre qui avaient grisonné alternaient avec des sections en plaques de métal, d'acier, je crois, qui avaient rouillé.

Une fois, Ueno m'a expliqué que le son était musical lorsqu'il pleuvait. Le martèlement plus aigu de la pluie sur le métal qui aurait fatigué à la longue était balancé, en contrepoint pourrait-on dire, par la cadence plus feutrée des gouttes sur le bois. Et il y avait aussi l'équilibre de leurs couleurs dans le paysage d'arbres et de roc.

*

I have to talk about his cabin. It's easy to imagine, given my interest in architecture, what a strong impression it made on me.

The cabin looked like a teepee, a typical log house and a modern Japanese structure all rolled into one. It was simple but stylized. The harmony of the proportions and the combination of building materials kept it from clashing with its surroundings. It made you reflect on the whole question of how human habitat is rooted in nature. I was not very conscious of it at the time, but these are the reactions it called up in me.

The roof, with its long sweep down on the lakeward side, seemed to be paying homage to the teepee. Its steep pitch rose to a central point where the beams criss-crossed and seemed to be arranged in a spiral. Along the roof the beams were partially exposed, and between them sections of cedar shingles, which had weathered to grey, alternated with sections of metal plates, what looked like steel, that had rusted.

Ueno once explained that the noise of the rain on his roof was musical. The sharp hammering of raindrops on the metal, which would have grown tiresome, was balanced, you might say in counterpoint, by the muffled beat of the water on wood. The colours of the roof also harmonized with the background of trees and rocks.

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J'ai mis plusieurs heures ce jour-là, et au cours de mes visites subséquentes à déchiffrer et à apprécier toute cette construction tant intérieure qu'extérieure et à goûter à l'aménagement paysager qu'il avait réussi sans détonner en plein cœur du grand Nord.

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