Read Réplique (Les enquêtes de Lizzy Gardner t. 1) (French Edition) Online
Authors: T. R Ragan
Tags: #Thriller
— Beaucoup de jeunes du lycée aiment s’y attarder. Vous pourriez peut-être
vérifier…
Lizzy ne lui laissa pas terminer sa phrase. Elle traversa le parking à petites foulées. L’air froid lui glaçait le nez. Elle poussa la porte du café et se sentit submergée de soulagement lorsqu’elle aperçut une jeune fille brune assise à table en compagnie de deux
adolescents.
— Brittany, dit-elle en lui tapant sur l’épaule. Tu m’as fait une
peur…
Brittany se retourna, les sourcils froncés. Il ne s’agissait absolument pas de sa nièce. Lizzy contourna la table pour mieux la
dévisager.
— Je suis désolée. Je vous ai prise pour ma nièce. Est-ce que l’un d’entre vous connaît une certaine Brittany
Warner ?
Tous secouèrent la tête. Visiblement, ils la prenaient pour une folle. Avec son hématome au front et sa mine épuisée, elle était consciente du spectacle pitoyable qu’elle donnait, mais elle ne s’en souciait pas. Elle devait trouver Brittany. Elle vérifia chaque table du café, s’adressa au gérant et jeta un œil aux toilettes avant de rebrousser chemin jusqu’au cabinet du docteur. Son corps était affaissé. Sa tête lui faisait mal tant les pensées s’y bousculaient. Ses genoux vacillaient.
Ne t’arrête pas maintenant, Lizzy. Reste
calme.
Les images d’un homme masqué défilèrent dans son esprit. Son regard était froid, sa voix robotique. Tout ce qui s’était passé au cours de la semaine avait conduit à cet instant précis. Elle s’en rendait compte à présent. Une impression de déjà-vu.
— Brittany n’était pas au café, lança Lizzy à la femme qui l’avait aidée quelques instants plus
tôt.
— Votre sœur vient d’appeler. Elle veut que vous l’attendiez. Elle est en
route.
Lizzy hocha la
tête.
— Je serai dehors si vous apprenez quelque
chose.
Un grésillement aigu se fit entendre dans la pièce à côté, suivi d’un gémissement. Lizzy s’arrêta et tendit l’oreille.
— Quel est ce
bruit ?
La femme paraissait méfiante, mais elle lui répondit tout de
même.
— C’est une roulette à grande vitesse que les docteurs utilisent pour le forage des implants
orthodontiques.
Lizzy écouta un peu plus
longtemps.
— On s’en sert lorsque le docteur a besoin d’un bon point d’ancrage pour attacher un fil ou un
ressort.
Le bruit de perceuse ne dura que quelques secondes, mais il suffit à faire grincer les dents de Lizzy. Sa tête était douloureuse. Lizzy parvint à articuler un « merci » avant de sortir pour attendre Cathy. Elle se laissa tomber sur le trottoir et regarda son téléphone. Elle espérait qu’il
sonnerait.
Lundi 22 février 2010, 16 h
11
À l’instant où Lizzy raccrochait après avoir parlé à Jared, Cathy se garait au bord du trottoir. Lizzy monta sur le siège
passager.
— Qu’est-il arrivé à ton
front ?
— C’est une longue histoire, dit Lizzy. Rentrons à la maison pour retrouver
Brittany.
Cathy sortit du parking et rejoignit la route
principale.
— Elle ne répond pas au téléphone, releva Cathy. Brittany répond toujours au
téléphone.
— Jared va nous retrouver chez
toi.
— C’est lui, n’est-ce pas ? Spiderman. Il l’a enlevée, c’est
ça ?
Lizzy était incapable de réfléchir. Elle avait fait le vide dans son esprit. Il ne pouvait pas avoir capturé Brittany. Cela n’avait aucun
sens.
— C’est de ma faute, dit Cathy en écrasant la pédale d’accélérateur.
— Non. Ce n’est pas de ta faute, répondit Lizzy d’une voix haut perchée. Ce n’est de la faute de personne, bon
sang.
Cathy serrait si fort le volant que les jointures de ses doigts
blanchirent.
— Je n’aurais jamais dû la quitter des yeux. J’aurais dû emménager avec papa. J’aurais dû t’écouter. Tu avais raison à propos de Richard. J’ai reçu un appel me disant où je pouvais trouver Richard et sa maîtresse, alors je suis allée jusqu’au Hyatt et j’ai patienté. Comme on pouvait s’y attendre, il est sorti de l’ascenseur en compagnie de cette
femme.
Le pouls de Lizzy s’accéléra.
— Qui t’a
appelée ?
Le feu passa au rouge, mais Cathy ne s’en rendit pas compte tout de suite. Elle appuya violemment sur le frein. Les pneus crissèrent et la tête de Cathy fut projetée en
avant.
Lizzy tendit les mains pour ne pas venir buter contre le tableau de bord. Une fois que la voiture fut arrêtée, Cathy regarda
Lizzy.
— Ça
va ?
— Ça va. Tu veux que je prenne le
volant ?
— Non. Nous y sommes
presque.
Le feu passa au vert. Cathy démarra pied au
plancher.
Lizzy resserra sa ceinture de
sécurité.
— D’après toi, qui m’a appelée ? demanda
Cathy.
— Le même homme qui m’a embauchée pour filer Valerie Hunt. Il voulait que tu quittes la maison et que tu ne suives pas ta routine
habituelle.
Cathy
accéléra.
— Ralentis. Nous ne pourrons pas aider Brittany si nous sommes à l’hôpital.
Cathy ralentit, mais pas autant que Lizzy l’aurait voulu. Les arbres et les maisons défilaient
indistinctement.
— Et s’il est avec elle, Lizzy ? Qu’allons-nous
faire ?
— Elle sera à la maison, lui dit Lizzy. Elle est forcément à la
maison.
Cathy bifurqua brutalement sur sa droite au panneau stop. Elle s’engagea à vive allure dans la rue résidentielle, avant de ralentir en apercevant un enfant qui jouait à la balle avec son chien. Elle tourna dans son allée et s’arrêta dans un bruit de graviers. Cathy jaillit de sa voiture et se dirigea vers la maison avant que Lizzy ait pu déboucler sa ceinture de
sécurité.
Lizzy descendit et jeta un regard circulaire. L’air était piquant, plus froid que d’habitude. Des volutes de fumée s’échappaient en spirale de quelques cheminées du quartier. La berline postée par les autorités était garée de l’autre côté de la rue. Elle se dirigea vers l’agent pour lui parler, lui demander s’il avait vu quelqu’un à la maison. Ronald Holt était assis sur le siège avant. Il lisait le
journal.
En s’approchant, elle fut intriguée par l’angle de sa tête, inclinée sur le côté. C’est alors qu’elle aperçut le sang et une pensée instinctive lui traversa l’esprit : tout était fini. Il avait gagné. Spiderman avait obtenu ce qu’il voulait. Il la connaissait bien. Il savait que le seul moyen de la détruire était de détruire ceux qui lui étaient
chers.
La peau de Ronald Holt était gris cendré. Son cou avait été nettement sectionné. Du sang avait coulé de sa blessure et s’était répandu sur son journal. Elle ouvrit la portière passager, se pencha vers lui et posa son pouce et ses doigts autour de son poignet à la recherche d’un pouls. Rien. Il était mort. Elle referma la portière et s’empressa de rejoindre la maison. Avant de traverser la rue, elle sortit son téléphone de sa poche. Ses mains tremblaient. Son corps aussi. Elle allait appeler Jared lorsque la sonnerie
retentit.
—
Lizzy…
— Brittany ! Dieu soit loué ! Nous t’avons cherchée
partout.
Elle porta la main à son
cœur.
— Où es-tu ?
— J’ai peur,
Lizzy.
La porte d’entrée était grande ouverte. Lizzy aperçut sa sœur qui courait dans tous les sens à l’intérieur de la
maison.
La voix de Brittany était faible et apeurée. Lizzy se laissa tomber à genoux, à même le
trottoir.
— Il t’a
enlevée ?
— S’il te plaît, aide-moi,
Lizzy.
— Il est avec toi en ce
moment ?
—
Oui.
Elle devait réfléchir
vite.
— Où es-tu ?
— Je
suis…
La voix de Brittany fut interrompue. Quelqu’un était toujours au bout de la ligne. Il pouvait entendre chacun de leurs
mots.
— Brittany, fit-elle.
— Oui, répondit une petite
voix.
À bout de souffle, Lizzy lui
dit :
— Parle-lui, Brittany. Tu dois lui parler. Distrais-le. Parle-lui de tout et de rien. Ne t’arrête pas de parler jusqu’à ce que je puisse
trouver…
Clic.
Le silence.
Non !
Cathy était penchée sur elle. Les yeux de sa sœur étaient écarquillés, son visage était livide. Elle tendit la main pour s’emparer du téléphone de
Lizzy.
— C’est Brittany ? Je peux lui
parler ?
Le téléphone s’échappa de la main de Lizzy et atterrit sur la
pelouse.
— Il l’a enlevée. Oh mon Dieu, Cathy, il a notre
Brittany.
CHAPITRE 35
Lundi 22 février 2010, 18 h
14
La scène de crime avait été délimitée et une demi-douzaine d’agents des forces de l’ordre ratissaient les lieux, autour de la maison de Cathy et Richard Warner. Le véhicule de Ronald Holt avait été inspecté à la recherche d’empreintes éventuelles. Son corps avait été déposé dans une housse et emporté au laboratoire pour l’autopsie.
Jimmy Martin était à l’intérieur de la maison. Il interrogeait Cathy à propos de Brittany, de ses amis et de ses loisirs. La chambre de Brittany avait été fouillée pour y trouver des indices. Il ne leur avait pas fallu longtemps pour découvrir que Brittany avait passé beaucoup de temps sur
Internet.
— Je n’ai aucune idée de qui peut être cet i2Hotti, dit
Cathy.
Elle avait les yeux et le nez rouges et gonflés d’avoir pleuré. Elle était assise sur le canapé, où elle se balançait d’avant en arrière, lorsque Richard franchit la porte, exigeant de savoir ce qui se
passait.
Il se dirigea tout droit vers Lizzy et agita un doigt sous son
nez.
— Bon sang, qu’est-ce que tu as fait de ma
fille ?
— Du calme, l’avertit
Jared.
— Qui êtes-vous ?
Jared montra son
badge.
— Spiderman détient Brittany, lui dit Cathy depuis l’autre bout de la
pièce.
Richard brandit le poing, comme s’il s’apprêtait à frapper Lizzy. Jared attrapa le poignet de Richard et lui tordit le bras dans le
dos.
— Vous allez vous calmer, ou je vous passe les
menottes !
— Je suis désolé, répondit-il.
Au bout d’un moment, Jared le relâcha. Abattu, Richard se dirigea vers le canapé et prit place à côté de
Cathy.
— Est-ce que quelqu’un veut bien me dire ce qui se
passe ?
Mardi 23 février 2010, 1 h
15
Brittany ouvrit les yeux. La pièce tout entière lui était inconnue et lui paraissait floue. Elle cligna des paupières, en espérant que le vertige et la nausée s’estompent.
— Tu es
réveillée ?
Le cœur de Brittany se mit à battre plus vite. Elle essaya de se concentrer sur la voix et de déterminer d’où elle
provenait.
— Je suis
ici.
Désorientée, Brittany prit le temps de rassembler ses souvenirs de la journée, qui lui revenaient par bribes. Ce matin, elle avait demandé à sa mère de lui faire un mot pour prévenir l’école qu’elle devait sortir dix minutes plus tôt pour son rendez-vous chez l’orthodontiste. Puis elle avait modifié l’heure sur le mot et avait quitté l’école une heure avant, pour avoir le temps de retrouver i2Hotti. Son plan était de laisser un message à sa mère, pour lui dire qu’en fin de compte son appareil allait bien et qu’elles pouvaient annuler le rendez-vous. Personne n’aurait rien perdu au
change.
Mais rien ne s’était déroulé comme
prévu.
Au lieu du garçon de ses rêves, Brittany avait eu la surprise de voir le Dr McMullen se garer le long du trottoir. Il avait baissé la vitre et lui avait proposé de monter. Voyant que Brittany hésitait, il lui avait dit que sa mère avait appelé à son cabinet pour annoncer qu’elle aurait du retard, et qu’il s’était alors proposé de passer chercher Brittany lui-même. Rien ne lui avait semblé très logique sur le moment. Si sa mère l’avait appelé, pourquoi était-il en avance ? Et comment pouvait-elle avouer à son orthodontiste qu’elle attendait un garçon ? Elle n’avait pas d’autre choix que d’accepter.
Pourtant, elle s’était montrée réticente à sa proposition. Après tout, c’était un étranger, non ? Mais si elle ne l’accompagnait pas, sa mère serait fâchée et la punirait sans doute pour le restant de ses jours. Puis on lui enlèverait son ordinateur et elle ne rencontrerait jamais
i2Hotti.
Remarquant son hésitation à monter dans la voiture, le Dr McMullen lui avait suggéré d’appeler sa mère, ce qu’elle avait fait, sans obtenir de réponse. Ensuite, elle avait essayé de joindre son père, sans plus de résultats. Brittany était donc montée dans le 4x4 et avait bouclé sa
ceinture.
De plus, il ne s’agissait pas vraiment d’un inconnu. Et sa mère l’aimait bien. Beaucoup,
même.
Au début du trajet, elle n’avait pas été inquiète… jusqu’à ce que le Dr McMullen dépasse l’embranchement qui était censé les amener à son cabinet. C’est à ce moment-là qu’elle avait compris que quelque chose d’anormal était en train de se produire. Dans son dernier souvenir, ils s’étaient arrêtés et elle avait aperçu le tissu blanc qu’il tenait dans la main droite. Il le lui avait plaqué sur le nez et la bouche et l’avait maintenu
fermement.
— Tu m’entends ?
Brittany redressa le menton. Elle s’était à nouveau
assoupie.
— Oui, dit-elle. Je ne vois pas très bien. Tout est
flou.
Brittany essaya de bouger les bras, mais ses poignets étaient coincés dans des menottes métalliques rivées au mur. Elle tenta de se dégager en tirant dessus, mais en vain. Elle perçut un mouvement sur le sol, devant
elle.
— C’est toi par
terre ?
— Parle à voix basse. L’homme qui t’a enlevée est un taré de première. Je crois avoir entendu la porte d’entrée s’ouvrir un peu plus tôt, mais je n’en suis pas sûre. S’il sait que tu es réveillée, il viendra peut-être ici pour
vérifier.
— Tu saignes ? demanda Brittany à la jeune
fille.
— Non, sans
blague.
—
Oh.
— Oui, je saigne. S’il revient, chuchota-t-elle, ferme les yeux et laisse ta tête pendre mollement vers l’avant, pour lui faire croire que tu es toujours
évanouie.
— Pourquoi ? Que fera-t-il ?
— Qui sait ? Une chose est certaine, c’est un vrai psychopathe. Tu n’as pas peur des araignées,
si ?
— Un
peu.
— Ça craint. Je suis désolée de te l’apprendre, mais si tu montres ta peur, alors il continuera de faire exactement ce qui t’effraie. Il se nourrit de la
peur.
Brittany essaya à nouveau de tordre ses bras pour les dégager, mais c’était peine perdue. Les bandes métalliques étaient fixées au mur par d’épaisses chaînes de part et d’autre de son corps. Alors que sa vision s’améliorait, elle remarqua que l’une des attaches était mal arrimée au mur. Elle tira plus fort. Des morceaux de plâtre roulèrent sur le
sol.
— Qu’est-ce que tu fais ? demanda la
fille.
— J’essaie de sortir d’ici.
Brittany regarda la jeune fille et réprima un cri. Elle était nue. Ligotée par des cordes reliées à des crochets en métal enfoncés dans le sol. Ses jambes étaient écartées et ses mains étaient attachées au-dessus de sa tête, formant un Y. Il y avait du sang
partout.
Brittany ferma vivement les yeux en essayant de ne pas vomir. Des taches rougeâtres balafraient le ventre, les jambes et les bras de l’adolescente. Des larmes coulèrent sur les joues de
Brittany.
Qu’avait-il fait à cette fille ? Était-ce l’œuvre du Dr McMullen ? Ou de quelqu’un d’autre ? Son regard se focalisa sur la main de la
fille.
— Il t’a coupé le
doigt ?
— Oui. Il n’aimait pas mon
tatouage.
Hayley désigna le mur, d’où des débris de plâtre s’étaient
échappés.
— Cette vis ne tient
pas ?
Brittany secoua à nouveau le bras. Le plâtre s’effrita
davantage.
— Tu penses pouvoir te libérer du
mur ?
— Je ne sais pas, dit Brittany. Peut-être. J’ai peur de faire beaucoup de bruit si je tire trop
fort.
Elle ne voulait pas voir l’homme qui était à l’origine de toutes ces atrocités.
Pourquoi avait-elle été aussi stupide ? Pourquoi était-elle montée dans sa
voiture ?
— Continue ce que tu fais aussi longtemps que tu peux, lui dit la jeune fille. Et ton autre
bras ?
Brittany essaya de bouger son autre bras. C’était inutile. Rien ne se
produisait.
— Un seul bras sera peut-être suffisant. Si tu réussis à te dégager, tu pourras te servir de la chaîne pour l’étrangler.
— Je ne pense pas être assez forte pour faire
ça.
— C’est épatant ce qu’on peut faire quand on y est fermement décidé. C’est un immonde connard et il va te tuer si ce n’est pas toi qui le fais. N’oublie jamais ça. Et puis, il est blessé. Tu peux y arriver. Je sais que tu en es
capable.
Mardi 23 février 2010, 1 h
31
Jared décrocha le téléphone à la première
sonnerie.
La femme à l’autre bout de la ligne le salua. Elle se présenta, Karen. C’était l’informatrice qui avait appelé le FBI pour leur annoncer que, d’après elle, son frère était peut-être le
meurtrier.
— Êtes-vous Jared
Shayne ?
— Lui-même.
— Vous devez me retrouver au 5416, Wise Road, à Auburn. Prenez l’autoroute interÉtats 80 jusqu’à Ophir, puis tournez à gauche sur Wise
Road.
Jared déglutit avec
agacement.
— Nous avons deux filles portées disparues. Il nous faut un nom,
Karen.
— S’il vous plaît, faites
vite.
Elle termina son appel. Jared n’avait pas le choix, il devait s’exécuter. Incapable de dormir, il avait pris le volant et errait sans but. La voiture était l’un des endroits où il réfléchissait le mieux. Il se gara et fouilla dans sa boîte à gants pour y trouver son GPS. Des photos glissèrent d’une enveloppe et atterrirent sur le siège passager, des photos que sa sœur lui avait données quelques mois plus tôt. Il jeta un œil aux clichés, pris plusieurs années auparavant à l’occasion d’une réunion de famille, puis récupéra son GPS, saisit l’adresse que Karen lui avait communiquée et s’élança sur la route d’Auburn. La nuit était froide ; les rues étaient désertes. Attrapant la première photo, il l’observa plus attentivement avant de reporter à nouveau son attention sur la chaussée. Sur l’image, ses parents se tenaient debout derrière Jared et sa sœur. Tout le monde paraissait heureux, tout le monde sauf sa
mère.
Son téléphone sonna à nouveau. Cette fois, c’était Jessica, l’assistante de Lizzy. C’était deux heures du matin, et soudain tout le monde avait besoin de
parler.
— Qu’y a-t-il ?
— Savez-vous où se trouve Lizzy ? J’essaie de la
joindre.
— Elle est chez sa sœur. C’est un peu tôt pour les appels téléphoniques, ou tard, ça dépend du point de vue. Où êtes-vous ?
— Je suis encore à l’hôpital. Les médecins ne veulent toujours pas me signer une autorisation de sortie. Je voulais parler à Lizzy, mais elle ne répond pas au téléphone. C’est curieux, vous ne trouvez
pas ?
—
Jessica.
—
Oui ?
— Endormez-vous. Je verrai Lizzy dans quelques heures. Je m’assurerai qu’elle vous
rappelle.
Jessica ne répondit pas, mais il pouvait l’entendre
respirer.
— Jessica, s’il vous plaît, restez où vous êtes. Je ne veux pas avoir d’autres disparues, d’accord ?
— Très bien, dit-elle enfin. Mais je vous en prie, appelez-moi dès que vous avez du
nouveau.
Quinze minutes plus tard, Jared gara sa voiture dans l’allée, à l’adresse que lui avait indiquée Karen. Le quartier était huppé : les couleurs de chaque maison étaient coordonnées, complétées par des trottoirs dallés et des fontaines paisibles. Il sortit dans l’air glacial. L’éclat de la lune lui fournissait suffisamment de lumière pour distinguer la pile de journaux intacts autour des poubelles. La pelouse était verte et bien entretenue. La porte d’entrée était ouverte. Une femme se tenait là, le nez couvert par un
mouchoir.
— Je suis Karen, lui dit-elle en baissant le mouchoir et en lui tendant la main. Merci d’être
venu.
Il lui serra la main et la suivit à l’intérieur. Soudain, il comprit pourquoi elle se bouchait le nez. La puanteur était
suffocante.
— C’est votre
maison ?
Elle secoua la
tête.
— D’après ce que j’en sais, c’est ici que vivait mon
frère.
— Vous en êtes
sûre ?
— Je ne l’ai pas vu depuis que je suis partie à l’université, il y a plus de vingt
ans.
— Ça fait
longtemps.
—
Oui.
— Où se trouve votre frère à
présent ?
— Je l’ignore. Je vis en Italie avec mon mari et mes enfants. Je suis venue aux États-Unis pour le
retrouver.
—
Pourquoi ?
Ses yeux étaient rivés au
sol.
— Je voulais m’excuser auprès de lui pour quelque chose qui s’est passé il y a très longtemps… quand Sam n’avait que dix
ans.
— C’est le nom de votre frère ?
Sam ?
Elle hocha la
tête.
— Samuel Jones. Sa femme s’appelle
Cynthia.
Il entendit des sirènes dans le
lointain.
— Après vous avoir appelé, j’ai contacté la
police.
— Ça vous dérange si je jette un
œil ?
— Allez-y, dit-elle, avec un geste nonchalant du poignet. Je suis venue ici il y a quelques jours. J’ai inspecté partout, mais je n’ai rien trouvé. J’ai supposé que l’odeur était celle d’un rongeur mort quelque part. Du moins, jusqu’à ce que j’aperçoive le portrait-robot du tueur en première page du
Sacramento
Bee
.
— Que s’est-il passé
alors ?
— J’ai reconnu l’homme sur le dessin. J’ai alors su que mon frère était le meurtrier et que cette odeur dans sa maison n’était pas causée par un rongeur
mort.