Read Réplique (Les enquêtes de Lizzy Gardner t. 1) (French Edition) Online
Authors: T. R Ragan
Tags: #Thriller
Une ouverture avait été pratiquée dans la moustiquaire à l’aide d’un rasoir tranchant. Lizzy regarda la feuille de papier. Elle ne pouvait pas l’ignorer éternellement. Après tout, elle était venue pour ça,
non ?
Tu m’as manqué, Lizzy. Tu m’as promis que tu ne me quitterais
jamais.
Ce n’est pas beau de mentir. Personne n’est en sécurité et c’est de ta
faute.
Je savais que tu viendrais. Je te connais mieux que tu ne te connais toi-même.
Le visage d’un homme apparut dans son esprit, furtif et inattendu, tel un éclair déchirant le ciel sombre. Il la regardait à travers un masque qui s’arrêtait sur l’arête de son nez long et droit. Sous son large front, ses yeux brillaient d’excitation. Il avait des lèvres fines. Sa peau était lisse et sans tache. Aucun poil, aucune
ride.
Jimmy Martin prit congé de son interlocuteur d’une voix sèche. Il referma le clapet de son téléphone et le rangea dans l’étui accroché à sa ceinture. En dépit de tous ses efforts pour rester calme, les paumes de Lizzy étaient moites et ses mains ne cessaient de trembler. Le message était la preuve que sa seule crainte était
fondée.
Il était
vivant.
Elle sentait la présence du meurtrier, comme s’il se trouvait dans la pièce avec elle en cet instant même. Spiderman était revenu après toutes ces
années.
À moins qu’il ne soit resté dans les parages pendant tout ce temps, à épier ses moindres faits et
gestes.
Avant qu’un dénommé Frank Lyle ne soit mis derrière les barreaux, les enquêteurs commençaient à estimer qu’avec le temps, il était fort probable que Spiderman ait été incarcéré pour un autre crime ou même qu’il soit décédé. Les tueurs en série n’arrêtaient pas brusquement pour disparaître dans la nature. Ils allaient en prison pour une autre raison, mouraient ou continuaient à semer la souffrance et la
mort.
Jared fit rapidement les
présentations.
D’après son badge, Jimmy Martin était agent spécial en chef. Si Jimmy ne semblait pas enchanté de la rencontrer, il lui serra toutefois la main et
dit :
— Merci d’être
venue.
— De
rien.
Elle lui rendit le sac en plastique contenant le
message :
— Je ne sais pas comment vous être
utile.
— S’il s’agit de l’homme qui vous a enlevée, supposa Jimmy, vous avez passé un certain temps avec lui. Avez-vous eu l’occasion de voir son
écriture ?
— Je croyais que Spiderman était bel et bien derrière les barreaux, répondit-elle pour le tester, car elle avait déjà déclaré publiquement à plusieurs reprises que Frank Lyle n’était en
aucun
cas
Spiderman.
— Nous aimerions le croire. Jusqu’à ce qu’on nous prouve le contraire, ce ne sont que des
hypothèses.
Elle secoua la
tête.
— Je n’ai jamais vu son écriture. J’avais toujours les yeux bandés et j’étais attachée. Il portait aussi un
masque.
— Il est écrit dans votre dossier que vous l’
avez
vu.
— Une fois. Il était endormi sur le
canapé.
C’était quand elle avait failli s’échapper, le premier jour. Quand elle avait failli sauver la jeune fille sans
langue.
— J’ai vu le côté de son visage. Mais si vous avez lu le dossier, alors vous connaissez la
suite.
Elle s’apprêtait à évoquer les traits qui venaient de surgir dans son esprit, mais comme l’agent spécial Martin ne semblait pas lui faire confiance, elle se
ravisa.
— Dans ce mot, il est écrit : « c’est de ta faute ».
Pourquoi ?
— Parce que, comme le dit cette note, il me
connaît.
Elle se frotta les bras, incapable de se
réchauffer.
— Il me connaît suffisamment pour savoir que je me sentirais responsable de tous ses
agissements.
—
Pourquoi ?
Les yeux noirs de Jimmy étaient rivés aux
siens.
— Pourquoi vous sentiriez-vous
responsable ?
— Parce que je me suis
enfuie.
— Parce qu’il vous a laissée
partir ?
Pourquoi cet homme essayait-il de lui donner l’impression qu’elle avait volontairement aidé le psychopathe, d’une manière ou d’une
autre ?
Jared fit un pas en avant, mais elle l’arrêta en levant la
main.
— Il ne m’a pas laissée partir. C’est moi qui me suis enfuie. Je me suis
échappée.
— Pourquoi ne vous a-t-il pas tuée ? demanda l’agent
Martin.
— Je l’ignore. Certains jours, j’aurais souhaité qu’il le
fasse.
Une jeune fille, Sophie, était quelque part là dehors, et Lizzy ne pouvait rien faire pour lui venir en aide. Sa gorge se noua.
Respire. Il te suffit de
respirer.
Jimmy serrait fermement la colonne de lit, juste à côté d’elle. Elle sentait la chaleur de son corps près du sien. Il essayait de l’intimider pour lui faire avouer ce qu’il voulait
entendre.
— Si c’est votre homme qui a enlevé Sophie, il a tué au moins quatre jeunes femmes, mais il a épargné votre charmante petite tête… et vous me dites qu’après avoir vécu avec cet homme pendant près de deux mois, vous ignorez
pourquoi !
— Ça suffit, lança Jared en l’attrapant par le bras pour la soustraire à l’interrogatoire insistant que lui faisait subir l’agent Martin. Comme elle te l’a dit, tout est dans le dossier. Je ne lui ai pas demandé de venir ici pour que tu la réduises en
miettes.
Jimmy l’ignora.
— Êtes-vous au courant que Frank Lyle, l’homme jugé pour le meurtre de Jennifer Campbell il y a six mois, a également avoué avoir tué les quatre victimes de
Spiderman ?
Lizzy haussa les
épaules.
— Si le mot que vous m’avez montré ce soir vient bien de Spiderman, alors Frank Lyle ment. Très probablement, Frank Lyle a un besoin pathologique d’être reconnu. Je crois que Lyle se ment à lui-même. Il a lu et entendu suffisamment de choses à propos de l’affaire pour avoir ancré les faits dans sa
mémoire.
— Il a réussi le test
polygraphique.
— S’il est persuadé d’avoir commis les crimes, alors vous savez aussi bien que moi qu’il a aisément pu réussir le test polygraphique. J’ai déjà dit aux autorités il y a des mois qu’elles ne tenaient pas le bon
type.
— Comment pouvez-vous en être si
certaine ?
— J’étais là quand ils ont interrogé Lyle, derrière une vitre sans tain. Rien chez lui ne m’a semblé familier. Spiderman avait une mâchoire carrée et un front large. Lyle ne présentait aucune de ces caractéristiques. En plus des aspects physiques, Lyle agissait avec agressivité et hostilité. J’ai aussi lu les rapports. Les psychiatres décrivent Lyle comme un homme qui n’a pas, ou peu, de maîtrise de soi. Spiderman est l’exact opposé. Il est patient. Il est méthodique et rigoureux. Lyle est juste un amateur. Un type qui a déraillé après avoir perdu son emploi et sa
femme.
— Alors vous êtes convaincue que Spiderman est de
retour ?
— Je crois qu’on est en droit de le
supposer.
Elle leva le
menton.
— Il m’a téléphoné aujourd’hui.
Jared parut décontenancé. Il se demandait visiblement pourquoi elle ne lui en avait pas parlé quand il l’avait appelée un peu plus
tôt.
Jimmy se renfrogna
davantage.
— Qu’a-t-il
dit ?
— Il a dit que j’étais une menteuse et une voleuse. Il a également dit qu’à cause de moi, d’autres allaient
payer.
Son regard se posa sur le bureau de Sophie Madison, où de nombreuses photos étaient scotchées sur le miroir suspendu au mur. Une petite étiquette jaune vif affichait : « Tu es une star ! » Sous l’étoile se trouvait une photo… une photo de Sophie
Madison.
— Je connais cette
fille.
Jimmy suivit son regard. Ses sourcils se
froncèrent.
— Vous connaissez Sophie
Madison ?
— Je l’ai vue en
classe.
— Mais son nom ne vous disait
rien ?
— J’ai des douzaines d’élèves qui s’inscrivent chaque mois. C’est un cours facultatif. Mais je me souviens bien des
visages.
— Quand a-t-elle suivi ton cours ? demanda
Jared.
— Il y a quelques
semaines.
Pas étonnant qu’elle ait reconnu la femme dans la salle de
séjour.
— Oh, mon
Dieu.
Son cœur s’emballait.
— Il est de retour. Et il est très
énervé.
Ce n’est pas beau de
mentir.
— Pourquoi ? s’enquit Jimmy. Que voulez-vous
dire ?
— Il sait que je lui ai menti. Il a l’impression d’avoir été
trahi.
Lizzy se sentait oppressée. La pièce était à peine ventilée et elle avait du mal à respirer. Elle regarda
Jared.
— Je dois
partir.
Il l’accompagna hors de la
chambre.
— Viens, allons prendre un
café.
CHAPITRE 6
Lundi 15 février 2010, 22 h
03
Jared rangea sa Denali sur le bas-côté de la route et se gara devant une maison victorienne pittoresque. Lizzy s’arrêta derrière lui et sortit sur le
trottoir.
— On ne dirait pas un café, lui dit-elle lorsqu’il la
rejoignit.
— C’est pourtant le meilleur de la
région.
Ils se dirigèrent vers la
maison.
— Je mouds mes propres
grains.
— Impressionnant, fit-elle.
Mais le cœur n’y était pas. Il s’était passé trop de choses, trop vite, et elle avait l’impression que le sol menaçait de s’ouvrir à tout moment pour l’engloutir tout entière. Elle avait du mal à s’habituer à l’éventualité que Spiderman ait enlevé Sophie à cause d’elle.
Jared ouvrit la porte et lui fit signe d’entrer. Il faisait sombre. Trop sombre. Elle resta
immobile.
Sans l’interroger sur la raison de son hésitation, il la devança pour pénétrer dans le salon, en allumant sur son passage. Il posa son manteau sur l’accoudoir d’un fauteuil généreusement rembourré, puis il disparut à l’arrière de la maison. Lorsqu’il revint, il
lança :
— La voie est
libre.
Elle entra. Jared lui prit son manteau et le suspendit dans le placard de l’entrée.
— Tu as bonne mine,
Lizzy.
Sans réfléchir, elle effleura les cheveux rebelles qui encadraient son visage. Puis elle prit conscience qu’il lui faudrait sans doute une armée d’esthéticiennes pour la rendre présentable et elle laissa retomber ses mains le long de son
corps.
— Merci. Toi aussi, tu as l’air en
forme.
Néanmoins, son sourire ne suffisait pas à cacher l’inquiétude que trahissait son regard. Il voulait faire son travail, et pourtant il n’avait pas envie de la
perturber.
— Alors, dit-elle, avec la sensation de ne pas être dans son élément. Pourquoi m’as-tu demandé de venir ce soir ? Tu aurais pu me lire le mot par téléphone. Il était concis et
poétique.
— Nous espérions que tu pourrais reconnaître l’écriture. Et j’avais besoin de te voir, m’assurer que tu étais en
sécurité.
Jared avait toujours la même chevelure épaisse et brune. Âgé de trente-trois ans, il était mince et musclé. À l’exception de quelques pattes-d’oie visibles lorsqu’il souriait, il n’avait presque pas changé. Elle le suivit dans la cuisine et regarda autour d’elle, tandis qu’il rassemblait filtres, tasses et café en
grains.
— Tu crois que Spiderman est de retour ? lui demanda-t-elle.
— On dirait
bien.
— Je ne pense pas que Jimmy Martin ait cru un traître mot de ce que j’ai
dit.
— Je ne m’inquiéterais pas pour Jimmy. Il a affaire à des criminels depuis trop longtemps. Ça l’a rendu plutôt aigri. À ce niveau-là, on peut presque parler d’acidité.
Elle
sourit.
— Jimmy espérait sûrement pouvoir prendre sa retraite l’année prochaine, en sachant Spiderman derrière les verrous, ajouta-t-il.
Lizzy décida de ne pas insister. Elle n’avait pas suivi Jared chez lui pour se plaindre de Jimmy Martin. En fait, elle ne savait pas vraiment pourquoi elle l’avait
suivi.
— Pour info, tu n’as pas à t’en faire pour moi, dit-elle. J’ai plus d’un cadenas sur la porte d’entrée de mon appartement. J’ai dépensé beaucoup d’argent pour sécuriser toutes mes portes et fenêtres. Et j’ai une arme sur
moi.
Il versa les grains dans le moulin et appuya sur le bouton marche. Une fois qu’il eut terminé, il
dit :
— Où est ta
sœur ?
L’arôme délicat des grains de café fraîchement moulus dériva lentement vers
elle.
— Cathy va
bien.
Elle observa attentivement Jared. Aucun signe de bedaine ni de calvitie. Certains types avaient tout pour
eux.
— Elle a une fille, Brittany, que j’adore.
— Et tes
parents ?
— Maman vit à Hawaï. Je ne l’ai pas vue depuis un moment, mais je lui parle toutes les semaines. Papa et moi, nous ne sommes plus en très bons
termes.
— Je suis désolé de l’apprendre.
Après avoir versé les grains finement moulus dans un filtre, il remplit la cafetière d’eau et enfonça un autre bouton. Un cadre en étain posé sur le comptoir attira son attention. C’était une photo de Jared en compagnie d’une petite fille qui devait avoir six ans. Elle prit le cadre dans ses
mains.
— C’est ta
fille ?
Il secoua la
tête.
— Jamais marié. Pas d’enfants. C’est Ciara Gelhaus. Ma première affaire d’enlèvement. Retrouvée en moins de vingt-quatre
heures.
— Où était-elle ?
— Dans l’appartement de sa voisine, une femme qui ne pouvait pas avoir d’enfants. Cinq minutes avant qu’elle ne quitte la ville avec Ciara, comme elle l’avait prévu, nous avons eu une intuition et nous sommes entrés. Ça a
payé.
— Quelle
poupée !
— Je garde cette photo pour me rappeler que, parfois, des dénouements heureux se
produisent.
Lizzy inclina la
tête.
— Jamais
marié ?
—
Surprise ?
— Tu disais toujours que tu voulais avoir beaucoup d’enfants un
jour.
— J’ai été fiancé, une fois. Ça n’a pas
marché.
— Je suis
désolée.
Il tendit la main vers son menton et lui inclina la tête vers l’avant pour qu’elle n’ait pas d’autre choix que de le regarder droit dans les
yeux.
— C’est moi qui suis désolé, Lizzy. Je n’aurais jamais dû te laisser rentrer à pied chez toi, ce soir-là.
Elle recula d’un pas. Sa main retomba sur le
côté.
— Ne parlons pas de ça, dit-elle. Nous pourrions nous échanger des excuses jusqu’à avoir la bouche sèche, mais ça ne changerait rien. C’est comme
ça.
— Tu n’as pas à être désolée, reprit-il.
— Ce n’est pas vrai. J’ai menti à mes parents. Quand je suis revenue de la maison des supplices, je t’ai demandé de me laisser tranquille. Je me suis effondrée. Je ne pouvais pas te voir. Pas même lorsque les choses ont commencé à être un peu plus claires dans mon esprit. Je n’ai pas cessé de penser à toi, mais je n’ai jamais décroché le téléphone pour t’appeler. Je suis désolée pour toutes ces
raisons.
C’était sincère. Elle avait eu tellement envie de l’entendre à l’époque… surtout lorsqu’elle traversait ses périodes les plus noires et les plus difficiles, parce que c’était toujours l’image de Jared qui l’aidait à survivre à ses pires
cauchemars.
Jared regarda Lizzy retourner au salon. Il ne s’était pas attendu à ressentir une telle avalanche d’émotions. Pourtant, dès l’instant où il l’avait vue plus tôt dans la soirée, il s’était senti coupable − coupable de ne pas avoir été présent à ses côtés pendant toutes ces années. Et puis, il était étonné de constater à quel point elle avait maigri depuis la dernière fois qu’il l’avait vue. Elle était toute frêle, presque décharnée. Ses yeux verts l’ensorcelaient toujours, mais ils étaient dénués de toute étincelle. Après avoir été repoussé pendant toutes ces années, il avait éprouvé de la colère et de la tristesse, puis ses sentiments s’étaient peu à peu estompés. S’il s’était demandé ce qu’il ressentirait lorsqu’il la reverrait, à présent il le savait. Il avait envie de la prendre dans ses bras pour ne plus jamais la lâcher. Il ne comptait pas le nombre de fois où il avait voulu l’appeler. Finalement, il parvenait toujours à se convaincre qu’il valait mieux garder ses distances, craignant que son retour dans sa vie ne ravive chez Lizzy de mauvais souvenirs. Maintenant qu’elle était là, cependant, il savait qu’il avait eu
tort.
Il avait déjà très envie de la protéger. Et pourtant, il avait besoin qu’elle fasse la seule chose qu’elle n’était sans doute pas prête à faire. Il avait besoin qu’elle se souvienne, qu’elle retourne aux instants précis qu’elle fuyait depuis si longtemps. Il devait lui demander de plonger dans les recoins les plus enfouis et les plus obscurs de son esprit pour déterrer tous les détails, même les plus insignifiants, qu’elle aurait pu
oublier.
Il remplit une tasse de café
chaud.
— Du sucre et du
lait ?
Elle revint vers
lui.
— Noir, c’est très
bien.
Leur café à la main, ils se dirigèrent vers l’antique canapé vert du salon. Elle s’assit tandis qu’il ajustait le thermostat de la
pièce.
— Ça va vite se
réchauffer.
Il prit place à côté d’elle et elle lui jeta un coup d’œil par-dessus le bord de sa
tasse :
— Sophie Madison a besoin de
moi.
Jared regardait Lizzy dans les yeux, et il se rendit compte qu’il avait lui aussi besoin d’elle. Il lui avait fallu des années pour passer à autre chose. Puis il avait rencontré Peggy Chambers, une avocate. Il avait demandé Peggy en mariage pour de mauvaises raisons. Chaque fois qu’elle insistait pour qu’ils fixent une date, le doute l’assaillait. Pourtant, c’était une femme intelligente. Elle avait compris qu’il ne cesserait jamais de penser à Lizzy. Comme ses parents et sa sœur… tout le monde savait qu’il avait encore des choses à régler avec Lizzy Gardner, avant même qu’il n’en prenne lui-même
conscience.
— Oui, répondit-il enfin. Sophie a besoin de toi. Et moi aussi, j’ai besoin de toi. J’ai besoin que tu me dises tout ce que tu sais à propos de l’homme qui t’a enlevée. À quoi ressemblait-il ? Avait-il des loisirs ? Quittait-il parfois la
maison ?
— J’ai dit au FBI tout ce que je
savais.
— Mais tu ne me l’as jamais dit à
moi.
Elle sirotait son café, le regard perdu dans le vague. Le silence s’installa entre eux avant qu’elle ne prenne la
parole.
— Spiderman a une patience à toute
épreuve.
Jared la regardait boire son café. Il attendait qu’elle poursuive. Au bout de quelques instants, il ne fut pas
déçu.
— Comme tu le sais, reprit Lizzy, il était passionné d’araignées. La tarentule était sa préférée, mais il aimait parler de ce qu’il considérait comme les araignées les plus dangereuses au monde. Il aimait poser les araignées sur le corps de ses victimes. Il regardait attentivement les insectes qui rampaient sur leur peau de pêche. Des heures s’écoulaient avant qu’il ne se mette à titiller les araignées, les provoquant et les excitant pour les pousser à mordre à même la
chair.
— Sophie avait une sœur aînée qui dormait à l’étage la nuit de son enlèvement, expliqua Jared. Penses-tu que Spiderman savait exactement quelle sœur il cherchait ? Crois-tu qu’il avait suivi sa victime et l’avait espionnée avant de passer à l’action ?
— Oui, bien sûr. Si c’est l’œuvre de Spiderman, alors il savait toujours qui il traquait. Au moment où il kidnappait ses victimes, il les connaissait mieux qu’elles ne se connaissaient elles-mêmes.
Elle marqua une longue pause avant d’ajouter :
— Sauf pour moi. J’étais une
erreur.
— Qu’est-ce que tu veux
dire ?
Elle lui adressa un sourire
désabusé.
— Tu sais − mauvais endroit, mauvais moment, mauvaise
pioche.
— Oui, je vois. Ce n’était pas sur toi qu’il avait jeté son dévolu cette nuit-là, n’est-ce
pas ?
Elle le fixait sans ciller. À présent, son regard semblait plus
vif.
— Non. Ce n’était pas moi qu’il cherchait. Tu le sais. C’est la fille Anderson qu’il voulait. Il me l’a dit, et je l’ai rapporté aux
fédéraux.
Elle soupira avant de
demander :
— Se pourrait-il que Sophie Madison ait été enlevée par un membre de sa famille, qui aurait écrit le mot pour vous envoyer sur la mauvaise
piste ?
— C’est toujours une possibilité, mais d’après les informations que nous avons recueillies jusqu’à maintenant, ce n’est pas le cas. Mme Madison a du mal à rester concentrée et son mari a été admis à l’hôpital quelques heures avant ton arrivée… des problèmes cardiaques. Il n’y a pas d’oncles ni de tantes, et tous les grands-parents ont été
entendus.
— Je déteste les lundis, dit-elle sans réelle
émotion.
Il ne réagit
pas.
— Est-ce que tes amis du FBI ont procédé à une enquête de voisinage ? demanda-t-elle.
Lizzy ne tenait pas l’agence en haute estime, et Jared ne pouvait pas le lui reprocher. Pendant plus d’une décennie, elle avait été traitée plus comme une criminelle que comme une
victime.
— Est-ce qu’on devrait faire une enquête de
voisinage ?
Elle plissa les
paupières.
— Ce n’est pas la procédure
habituelle ?
Avec quelqu’un d’autre, il aurait pu faire semblant, mais pas avec
Lizzy.
— Tu le sais bien, dit-il. Seulement, je suis surpris que tu me le
demandes.
Elle haussa les
épaules.
— Si j’étais la mère, je me sentirais sans doute rassurée de savoir que mon enfant ne se trouve pas bouclée au fond du placard de la chambre de l’un de mes
voisins.
Agacée, elle écarta les mèches rebelles qui lui tombaient devant les
yeux.
— Si tu as lu le dossier, alors tu sais que Spiderman aime se
déguiser.
Elle jeta un œil par-dessus son épaule, comme si elle avait entendu du
bruit.
Il suivit son regard depuis la porte d’entrée jusqu’à la fenêtre de devant. Il allait lui demander ce qui se passait lorsqu’elle se retourna vers
lui.
— Si quelqu’un déclarait avoir vu une personne suspecte dans le coin, je ne me fierais pas à sa description, c’est
tout.