The Setting Lake Sun (16 page)

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Authors: J. R. Leveillé

Since I remained puzzled he continued, “Tai-chi. In Central Park.”

“Will the water be flowing?”

“I'm sure of it.”

140

J'hésite à dire qu'à ce moment-là il bandait comme un chevreuil.

J'ai été longtemps sans arriver à m'expliquer comment il pouvait être à la fois si spirituel et si érotique.

J'imagine que c'était tout naturel chez lui.

*

I have to confess that at that moment he was as randy as a buck.

For the longest time I couldn't reconcile the two: how could he be so spiritual and so sensual at once?

I imagine that it was as natural to him as breathing.

141

Son pénis durci n'était pas particulièrement long, il avait l'apparence d'un nerf de bœuf, presque noueux au toucher. Comme un vieux chêne, disait-il.

— C'est un poème classique de la nouvelle littérature japonaise. C'est là tout le poème. Un seul vers : « Comme un vieux chêne ».

— Une comparaison avec quoi ? Avec rien ?

— Voilà sa beauté. Il y a bien sûr des foules de références anciennes imaginables. Mais ce vers demeure mystérieux, puissant, enraciné dans l'indicible. Et malgré toutes les références passées et ses interprétations possibles, c'est l'ac­tualité du chêne qui domine. Ce vieux chêne est toujours présent. Au fond, malgré sa symbolique évidente, c'est une ouverture.

*

His erect penis was not especially long, but thick, almost knotty to the touch. “Like an old oak tree,” he said. “That's a classic poem of the new Japanese literature. That's the entire piece, a single verse: Like an old oak tree.”

“Comparing it to what? To nothing?”

“Therein lies the beauty. Of course there are myriad possible references to tradition, but the verse itself remains mysterious, powerful, rooted in what cannot be said. And despite all the possible references to the past and the interpretations they might engender, it's the presence of the oak in the here and now that takes precedence. The old oak is always there. Finally, despite the obvious symbolism, it's an opening.”

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Il aimait bien que je le touche. Il m'a appris que lorsqu'on caresse avec les dents, il faut faire un retournement d'esprit et imaginer que c'est le pénis qui est comme les doigts posés sur l'ivoire du piano.

*

He liked it when I touched it. He taught me that in stroking it with the teeth you must turn it around in the mind and imagine that it's the penis that is like a finger caressing the ivory keys of a piano.

143

Lorsque nous faisions l'amour, il voulait que ce soit moi qui m'assoie sur lui. Il aimait me voir dans cette posture.

— Viens, ma petite grenouille, disait-il.

*

When we made love he wanted me to sit astride him. He liked to see me in that position. “Come on, my little frog,” he would say.

144

Ueno pouvait parfois paraître insondable. Mais il était peut-être avant tout excentrique.

Par exemple, il avait un côté que je qualifierais de romantique.

Je me rappelle bien ce premier soir où je suis entrée dans sa chambre à coucher. Il y avait là une atmosphère de mansarde. Des poutres de bois, mais aussi quelques miroirs qui reflétaient les bougies et les lampions qu'il avait allumés. La fenêtre était ouverte, un vent frais entrait, secouait la dentelle des rideaux et faisait couler la cire des bougies. Je m'attendais à ce qu'un orgue se mette à jouer.

Je dois dire que la lueur de ces flammes était enjôleuse, l'air excitant.

Il y avait même une petite toile qui au début me semblait plutôt dévergondée, que je suis arrivée à connaître au cours des mois qui ont suivi. C'était une reproduction de
L'Origine du monde
de Courbet.

— C'est là que je prie, a-t-il dit.

*

Ueno could sometimes seem impenetrable, but it may be that he was an eccentric, more than anything. For instance, there was a side to his character that I would have to call romantic.

I clearly recall that first night I joined him in the room where he slept. It had the look and feel of an attic. There were wood beams, also some mirrors that reflected the flames of candles and lanterns he had lit. The window was open and a cool breeze blew in; it disturbed the lace curtains and caused melted wax to course down the sides of the candles. I almost expected to hear an organ begin to play.

The glow of the candles charmed me and the cool air sharpened my senses.

There was even a small painting that at first seemed bawdy but that I came to know well over the months that followed. It was a reproduction of
The Origin of the World
by Courbet.

“That's where I pray,” he told me.

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Et il m'a récité en japonais un merveilleux poème intitulé
Le Sexe de la femme
, composé par Ikkyu, un vieux moine, a-t-il tenu à préciser :

C'est la bouche originelle, mais elle demeure coite;

Elle est entourée d'un magnifique mont de poils.

On peut s'y perdre complètement.

Mais c'est aussi le lieu de naissance de tous les Bouddhas des dix mille mondes.

Puis nous avons passé la soirée en oraisons, en ablutions et en diligence de tous genres.

— Quel merveilleux bassin, ne cessait-il de répéter.

Et je riais.

*

And he recited in Japanese a wonderful poem titled “The Woman's Sex.” It was written by Ikkyu who, he was careful to explain, was an old monk.

“It's the original mouth but it does not speak

It is surrounded by a magnificent mound of fur;

One can get completely lost in it.

But it is also the birthplace of all the Buddhas in the ten thousand worlds.”

We then spent the night in orations, ablutions and offices of all descriptions.

“What wonderful hips,” he kept saying.

It made me laugh.

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Je me suis réveillée en pleine nuit au son de la cire qui crépitait sur les plaques de métal où il avait déposé les bougies pour éviter l'incendie. J'ai observé avec une grande tendresse ces espèces de stalagmites qui s'éteignaient. Je me suis levée pour aller respirer à la fenêtre. Il faisait une grande nuit noire. Je ne voyais pas le ciel. J'entendais le bruit varié que faisait le vent. Il faisait froid dans la chambre, j'étais bien et je me suis sentie bénie. Puis je suis retournée me coucher.

Je n'ai jamais été mélancolique en faisant l'amour avec Ueno, ni avant, ni pendant, ni après. Jamais. Et je ne me suis plus couchée devant la cheminée tout au cours des visites que j'ai effectuées du printemps à l'hiver de cette année-là, sauf une fois, la dernière nuit – je ne savais pas que ça allait être la dernière. Il faisait une tempête de neige incroyable. Menaçante et magnifique à la fois.

*

I woke up in the middle of the night to the sound of wax sputtering on the metal plates where he'd put the candles to prevent a fire. I felt a great tenderness as I watched those almost geomorphic shapes sink and go out. I got out of bed to get a breath of air at the window. The night was pitch-black and I couldn't see the sky. I heard the wind soughing. Although the room had grown cold, I was fine just as I was. I felt blessed. And I climbed back into bed.

Making love with Ueno never made me melancholy, not before, not during, not after. Never. And I never returned to sleep in front of the fire on the many visits I made from the spring through to the winter of that year. Except once—the last night. I didn't know it would be the last. That night there was an incredible snowstorm, both threatening and awe-inspiring.

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On n'aime pas toujours l'hiver, mais quand il revient à l'improviste, au printemps par exemple, c'est un charme. On sait que ça ne va pas durer.

— D'ailleurs, l'hiver, disait Ueno, ce n'est qu'un impromptu qui se fait trop d'habitudes.

Je me souviens que le dimanche de ma première visite au début du printemps, nous nous sommes réveillés pour regarder la neige tomber. L'air était frisquet; on sentait toutefois que cela n'allait pas durer. Par la baie vitrée, on voyait les oiseaux se délecter, semblait-il, dans les branches ou dans les mangeoires, ou encore au sol où des graines étaient tombées.

La neige était tachetée de gros-becs de couleur jaune, quelques-uns noir et blanc à la poitrine rose. J'en avais vu le premier jour, au crépuscule, avec des becs-croisés rouges, des geais bleus, et gris, mais aujourd'hui, dans la neige, tout semblait intensifié.

Nous avons préparé un café bien fort que nous avons emporté avec nous pour faire une petite randonnée.

L'air était frais et tendre à la fois. Les flocons lourds et épais. Nous portions des tricots et des imperméables tant la neige était mouillée. J'ai eu l'occasion de porter mes bottes de travail, comme Ueno.

Il a dit:

— Je vais fumer un cigare.

— Si tôt le matin ?

— Ça me semble le moment. Le temps d'une grande réflexion naturelle.

— C'est quoi ça ?

— Une réflexion sans pensée.

*

The next morning we woke up to see snow falling. There was a nip in the air, but we could tell that it wouldn't stay. Through the bay window we could see birds playing around in the trees or at the feeders, or even on the ground where seeds had fallen.

Grosbeaks made bright patches on the snow; most of them were yellow, but a few were black and white with pink breasts. I'd seen them the first day, at dusk, along with some red crossbills, blue jays and grey jays, but today against the white the colours of their plumage seemed more intense.

We made ourselves some very strong coffee and took it with us on a short hike.

The air was cold but mild; the snowflakes were heavy and thick. We dressed ourselves in woollies and raincoats because the snow was so wet. I took the opportunity to put on my construction boots, like Ueno.

He told me, “I'm going to smoke a cigar.”

“This early in the morning?”

“It strikes me as the right time—time to think naturally.”

“What does that mean?”

“To think without having any thoughts.”

148

Au cours de notre marche sur sa propriété, au bord du lac, et en remontant dans la forêt de trembles et de conifères, j'ai pu voir des pics maculés et des pics flamboyants, et même un grand pic qu'il a identifié pour moi.

Il était encore tôt le matin, et j'ai entendu – je ne sais si c'est normal le jour – un bel et étrange hululement.

— C'est une chouette cendrée, la plus grande de l'espèce en Amérique du Nord. Le symbole de Minerve, a continué Ueno, et en l'occurrence un très bon signe.

Il en a parlé longuement, et les ronds de fumée qu'il tirait de son cigare avaient l'apparence de ces oiseaux.

Ce dont je me souviens surtout, c'étaient les mésanges que nous avons vues ; une surtout dont le chant « ki-è-tu-tutu » semblait poser une question.

Comme s'il sondait mes pensées, ou peut-être ne continuait-il qu'à parler de Minerve ou de son cigare, Ueno a dit, faisant irruption dans ma propre rêverie :

— Ne rien faire et laisser sa vraie nature apparaître.

*

We walked across his property, along the edge of the lake and up again through the forest of aspens and conifers. I saw sapsuckers and flickers, and even a great pileated woodpecker he pointed out.

It was still early in the morning. I heard what I didn't think usually occurred in the daytime, a beautiful, weird hooting.

“That's a great grey owl,” said Ueno, “the biggest of the North American species. It's the symbol of Minerva and, as it happens, a very good sign.”

He talked about it at length, while blowing smoke rings that looked like owls.

What I remember most of all were the blue tits we saw, especially the one with a call that sounded like it was asking a question:
Kee-ay-tu-tutu.
Qui est tu?
Who are you?

Maybe he was just going on about Minerva or his cigar smoking; in any case, it was as if Ueno could read my mind when he said, “Just do nothing and let your true nature show itself.”

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Je ne sais pourquoi, aujourd'hui, tout se bouscule si rapidement en moi.

— Va à l'essentiel. Ou au détail, disait-il. Chaque chose a son rythme. Tu vas entrer en architecture. C'est une question d'équilibre, non pas technique, mais spirituel, tu entends ? L'ensemble des masses, ce n'est pas une géométrie, plutôt une indulgence parfaite et naturelle. Tout commence, tout finit.

*

I don't know why today all these events seem to merge so quickly in my mind.

“Go straight to the core. Or fix on the details,” he once told me. “Everything has its own rhythm. You are going into architecture. It's a matter of balance, and not technical but spiritual balance, you hear? The assembly of mass has nothing to do with geometry, but with a perfect, natural indulgence. Everything begins, everything comes to an end.”

150

À un moment donné, au cours de cette randonnée dans la neige printanière, je l'ai entendu tousser, et je l'ai vu cracher du sang, et des taches rouges, carmin, se déposer sur le sol blanc.

— Qu'as-tu ? ai-je dit bouleversée.

— Je vais mourir.

Mystérieux, il était aussi direct.

— Mais non !

— Mais oui.

Je pensais alors que c'était une évidence zen qu'il offrait ; et au cours des mois subséquents, en raison de son entrain et de sa vitalité, que sa vie allait tout de même se prolonger plusieurs années.

— Qu'as-tu ? ai-je répété.

— C'est une maladie de famille. Les Takami ont une grande descendance, cependant nous mourons tous vers cet âge.

Il avait soixante-quatre ans.

*

At one point during that walk in the spring snow I heard him cough and saw him spit up blood. Red spots, carmine, appeared on the white ground.

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