Réplique (Les enquêtes de Lizzy Gardner t. 1) (French Edition) (27 page)

CHAPITRE 29

Samedi 20 février 2010, 16 h
 33

 

Jared, Jimmy et Lizzy étaient au bord du bassin, dans le jardin derrière la maison de Nancy Moreno. Ils regardaient partir les deux housses mortuaires distinctes que l’on emportait au laboratoire, où leurs contenus seraient soigneusement examinés à la recherche de sang, de cheveux, de fibres et d’empreintes appartenant à quelqu’un d’autre que
Moreno.

Jared avait retrouvé le corps de Moreno dans le panier à linge de la buanderie, au rez-de-chaussée. Lizzy avait découvert sa tête à l’étage, dans le lavabo de la salle de bains. Si Nancy Moreno s’était davantage souciée de sa vie que de sa réputation, songeait Lizzy, elle serait peut-être encore
là.

Depuis cinq minutes, Lizzy n’avait pas décollé son téléphone de l’oreille. Elle finit par abandonner et l’éteignit.

— Jessica ne répond toujours
pas.

— Nous nous arrêterons à ton bureau en partant d’ici, proposa
Jared.

Jimmy se tenait près de Jared. Comme toujours, il arborait un costume sombre, des chaussures bien cirées et une mine renfrognée et cynique. Quelques secondes plus tôt, un technicien de la scène de crime avait remis à Jimmy un sac en plastique. À l’intérieur se trouvait le papier que l’on avait retrouvé fourré dans la bouche de Moreno, une note ensanglantée extraite de l’une des séances thérapeutiques de Lizzy avec Linda
Gates.

— Comment Nancy Moreno a-t-elle pu s’introduire dans le cabinet de Linda Gates ? demanda
Jimmy.

— Nancy était une patiente de Linda depuis de nombreuses années, répondit
Lizzy.

— Quelqu’un a parlé au Dr
 Gates ?

— Je l’ai appelée chez elle, dit Lizzy. Elle a été choquée d’apprendre ce qui s’était passé. Elle m’a rappelée il y a dix minutes pour m’annoncer qu’elle s’était rendue à son cabinet et qu’en effet, mon dossier avait
disparu.

— Comment Moreno a-t-elle fait pour voler le
dossier ?

— D’après le Dr Gates, Nancy aurait pris le dossier lors de sa dernière visite, il y a seulement quelques jours. Et elle a également mentionné un homme étrange qu’elle a repéré devant l’arrêt de bus. Apparemment, l’individu les observait depuis le coin de la rue quand Nancy était dans son bureau. Linda a appelé la police dès qu’elle l’a vu, mais celui-ci avait disparu avant leur
arrivée.

— Nous devons envoyer quelqu’un pour obtenir un rapport
complet.

— C’est fait, assura Jared. Hank est en
route.

— Et le gamin que vous avez rencontré au café ce
matin ?

— Il a
peur.

— De
quoi ?

— L’homme qui l’a embauché pour remettre l’argent au bureau de Lizzy l’a menacé de s’en prendre à lui s’il parlait, expliqua Jared. J’ai quand même envoyé quelqu’un suivre le jeune après son départ du
café.

Lizzy haussa un sourcil. Elle l’ignorait.

— Il habite dans un immeuble près de Cosumnes River College. Il s’appelle Russell
Parker.

— Il a prétendu qu’il devait réfléchir avant de rencontrer un artiste judiciaire, dit Lizzy à
Jimmy.

— Est-ce qu’il réalise que nous avons affaire à un tueur en
série ?

Lizzy hocha la
tête.

— Nous le lui avons clairement
précisé.

— Il a peur, répéta Jared. Il n’arrive pas à réfléchir correctement. Mais je pense qu’il reviendra vers
nous.

Jimmy arrêta un enquêteur qui passait près de
lui.

— Qu’avez-vous appris des
voisins ?

— Jusqu’à présent, rien du tout. Personne n’a rien vu de suspect. Pas de voitures inconnues garées près de la maison. La femme de l’autre côté de la rue est une mère au foyer. Elle nous a dit que la fenêtre de sa cuisine donnait directement sur la propriété de Moreno. Elle n’a rien remarqué qui sortait de l’ordinaire quand elle lavait la vaisselle, au moment précis où Moreno était au
téléphone.

Il s’excusa et prit congé. Jimmy se gratta la
nuque.

— Ce type ne laisse jamais de trace. Bon sang, comment fait-il ? Regardez autour de nous. Il n’y a ni champ ni parc où le tueur puisse se cacher. Alors comment arrive-t-il à entrer et sortir sans que personne ne le
remarque ?

Jimmy se frottait entre les deux
yeux.

— Et pourquoi diable l’assassin s’en prendrait-il à une présentatrice de journal
télévisé ?

— Elle détenait quelque chose qui l’intéressait, dit Jared. Après avoir récupéré le dossier de Lizzy, il lui a réglé son
compte.

— Et
maintenant ?

Ils connaissaient tous par cœur le message inscrit en lettres de sang sur le miroir de la salle de bains, mais Lizzy ne put s’empêcher de le
répéter :

— « Les ténèbres guettent », cita-t-elle.

— Qu’est-ce que ça veut dire, d’après
toi ?

— Il a mon dossier, dit Lizzy. Il a l’obsession de vouloir tout savoir sur sa victime avant de
frapper.

— Et en quoi « les ténèbres guettent » te concerne-t-il ?

— J’ai peur du noir, confirma-t-elle sans entrer dans les
détails.

Jimmy comprit. Ils comprenaient tous. Spiderman était bientôt
prêt.

Le téléphone portable de Jimmy se mit à sonner. Il s’éloigna pour
répondre.

Lizzy n’avait pas souhaité indiquer à Jimmy que non seulement elle avait peur du noir, mais qu’en plus l’obscurité la tétanisait. Spiderman apprendrait aussi, en lisant son dossier, qu’elle n’avait pas pleuré depuis son évasion, que la simple vue d’une araignée lui bloquait la respiration et qu’elle était incapable de passer une nuit de sommeil sans revivre l’horreur de ce qu’il avait infligé à ces filles. Lizzy croisa les bras sur sa
taille.

— Viens, fit Jared, partons d’ici.

 

 

Samedi 20 février 2010, 17 h
 05

 

On demanda à Lizzy de laisser son téléphone portable, son arme et son sac à dos au comptoir d’accueil de l’établissement du département pénitentiaire de Californie. Puis on s’assura par une fouille qu’elle ne portait pas de spray au poivre, de gaz lacrymogène, d’alcool, ni d’explosifs. Enfin, elle fut conduite avec Jared dans le parloir vitré sur rendez-vous, où on leur répéta qu’il était considéré comme un crime d’aider un détenu. On leur demanda également s’ils avaient des appareils photo ou dispositifs d’enregistrement sur eux. Ils répondirent par la
négative.

Ils franchirent un détecteur de métaux avant d’entrer dans la salle vitrée de l’établissement pénitentiaire consacrée aux visites, où ils pourraient s’entretenir avec Betsy Raeburn pendant vingt
minutes.

La pièce était silencieuse. On comptait quatre espaces permettant aux prisonniers de rencontrer un maximum de deux visiteurs à la
fois.

L’agent de sécurité désigna les deux premières chaises, dans un compartiment cloisonné par une vitre. On distinguait les haut-parleurs qui leur permettraient de
discuter.

Alors que Jared et Lizzy s’asseyaient, on introduisait Betsy Raeburn dans la cabine, de l’autre côté de la paroi de
verre.

La femme était grande et musclée. Ses cheveux bruns étaient attachés en arrière. Elle avait des yeux noisette écartés, un visage rond et replet, et une bouche qui semblait constamment
pincée.

Betsy s’assit. Le gardien de la sécurité recula de quelques pas et enclencha le chronomètre de sa
montre.

— Mlle Raeburn, fit Jared. Je m’appelle Jared Shayne, et voici Lizzy
Gardner.

La femme se pencha en avant jusqu’à ce que son visage ne soit plus qu’à deux centimètres de la
vitre.

— Vous n’êtes pas
Lizzy.

— Je suis Lizzy. Je me souviens de
vous.

Étreinte par une soudaine émotion qu’elle n’avait pas anticipée, Lizzy avait la gorge
nouée.

— Je ne vous remercierai jamais assez pour ce que vous avez
fait.

— Je n’ai rien fait, dit
Betsy.

— Vous m’avez présenté un visage amical au moment où j’en avais le plus besoin. Vous m’avez aidée à monter dans votre camion. Vous m’avez aidée à m’échapper.

— Eh bien, je suis contente que vous alliez
bien.

Un silence gêné s’ensuivit, avant que Jared n’intervienne :

— Nous sommes ici pour plusieurs raisons, Betsy. Nous devons savoir si vous avez vu quelqu’un ou quelque chose d’inhabituel le jour où vous avez aidé
Lizzy.

— Non, dit-elle en secouant la tête. Les fédéraux m’ont posé la même question une centaine de fois, et la réponse n’a pas
changé.

— Et la montre que Lizzy avait, le matin où vous l’avez
trouvée ?

Le visage de Betsy vira au
rouge.

— Je n’ai jamais entendu parler d’aucune montre, dit-elle. Vous n’en aviez pas, Lizzy chérie, n’est-ce
pas ?

Visiblement, Betsy était sur la défensive. Lizzy posa une main sur la
vitre.

— C’est bon, Betsy. Vous ne craignez rien. Je vous assure que rien de ce que vous pouvez dire ou faire ne changera jamais la reconnaissance que j’éprouve envers vous, pour ce que vous avez fait ce jour-là. Mais nous devons vous poser des questions sur la montre, parce que le psychopathe dégénéré a refait
surface.

Betsy ouvrit grand les
yeux.

— Pas
croyable.

— Pas croyable, répéta Lizzy en écho. Nous devons savoir ce que vous avez fait de la montre. Peu importe que vous l’ayez vendue, mise en gage ou jetée à la poubelle, mais il nous faut savoir où elle pourrait se trouver, car la montre a peut-être un numéro de série… quelque chose qui nous donnerait un indice sur l’identité du
tueur.

Betsy rongeait sa lèvre inférieure. Il était difficile de savoir si elle était en train de peser le pour et le contre avant d’avouer ce qu’elle avait fait de la Rolex, ou si elle ne s’en souvenait tout simplement pas. Betsy se rapprocha à nouveau de la vitre, comme si elle s’apprêtait à leur confier un
secret.

Lizzy se pencha à son
tour.

— Vous ne m’auriez pas apporté des cigarettes, par
hasard ?

Lizzy se tourna vers
Jared.

— J’ai vu un distributeur dans le hall, dit Jared en se levant. Quelle marque fumez-vous ?

— Je prendrai deux paquets de
Marlboro.

— Les détenus n’ont droit qu’à un seul à travers la vitre, les avertit le
gardien.

— Allez, mec, lui dit Betsy par-dessus son épaule, lâche-moi un peu la
grappe.

Le gardien l’ignora.

Jared revint cinq minutes plus tard. Il posa un paquet de Marlboro sur le plateau métallique et Betsy tira sur un appareil qui ramena les cigarettes de l’autre côté. Elle prit son temps pour récupérer le paquet puis ôta l’emballage en plastique. Elle porta une cigarette à sa bouche et jeta un œil au gardien par-dessus son
épaule.

Le gardien sortit son briquet et la lui
alluma.

Betsy emplit ses poumons de nicotine avant d’expirer.


 Merci.

Jared hocha la tête. Lizzy regarda la
pendule.

— Nous avons besoin de votre aide,
Betsy.

Betsy aspira une autre
bouffée.

— La dernière chose dont j’ai besoin, c’est d’offrir à ces connards une autre raison de m’enfermer.

— Vous n’avez rien fait de mal, dit Lizzy d’un ton compatissant. Je vous ai laissé la montre, vous vous
rappelez ?

Le regard de Betsy s’illumina.

— Vous avez raison. Je m’en souviens. Vous me l’avez donnée, n’est-ce pas ? Je ne crains
rien ?

— Absolument, assura Lizzy. Vous n’avez rien à craindre. Vous n’avez rien fait de mal,
Betsy.

Betsy tira longuement sur sa
cigarette.

— J’aimerais vous aider, fit-elle, vraiment, mais le truc, c’est que j’ai essayé de vendre cette montre. Je n’ai pas réussi à en obtenir plus de deux cents dollars à cause de la gravure. Ça m’a vraiment énervée, parce que mon frère m’a dit que c’était une Rolex et que ça valait des
milliers.

Jared ne laissa rien paraître. C’était un professionnel, songea Lizzy. Il avait beaucoup de patience. Lizzy, en revanche, voulait sauter à la gorge de la femme et lui arracher ses mots. Mais à présent que Betsy avait ses cigarettes, elle n’était pas pressée. Elle n’avait nulle part où
aller.

— Vous ne vous souvenez pas de ce que mentionnait la gravure, par hasard ? demanda
Lizzy.

Betsy prit une autre bouffée de nicotine. La fumée embruma la vitre qui se dressait entre
eux.

— Si je vous le dis, est-ce que vous m’enverrez un autre paquet de celles-ci ?

Elle montrait les Marlboro. Lizzy hocha la
tête.

— Si vous me le dites, je vous en enverrai toute une cartouche dès l’ouverture de la
poste.

Le sourire de Betsy révéla une rangée de dents jaunes de
guingois.

— Comme je l’ai dit, j’étais agacée à cause de la gravure. Je veux dire, pourquoi irait-on gâcher ainsi une montre parfaite ? Les initiales SJ étaient gravées, puis un petit cœur suivi des initiales
SW.

Un frisson d’excitation courut le long de son dos. Lizzy ignorait si cette nouvelle information mènerait quelque part, mais l’idée qu’ils tenaient peut-être quelque chose, ne serait-ce que des initiales, lui faisait tourner la
tête.

— Êtes-vous sûre que c’était SJ et
SW ?

— Oui, fit Betsy en ricanant, c’était bien ça. Je m’en souviens parce que j’ai dit à mon frère que les lettres signifiaient Sœurette Jolie aime Son
Whisky.

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