Réplique (Les enquêtes de Lizzy Gardner t. 1) (French Edition) (25 page)

Il régnait dans la pièce une odeur de naphtaline. Elle avait connu
pire.

Elle se pencha pour se rapprocher du lit et le sentir. Bon, peut-être pas. Elle tendit l’oreille. Il revenait, remontant le couloir jusqu’à sa porte. De temps à autre, il passait la tête comme pour s’assurer qu’elle était toujours là. Tôt dans la matinée, il était entré et elle lui avait envoyé un crachat en plein sur l’œil. Elle avait éclaté de rire, ce qui l’avait mis hors de lui. Il semblait presque avoir peur d’elle, c’en était comique. Il était évident qu’il n’avait pas prévu de l’enlever et elle le rendait visiblement très nerveux. À juste
titre.

Mais elle avait tant facilité sa capture, comment aurait-il pu
résister ?

La porte s’ouvrit en grinçant et le psychopathe se pencha pour déposer une autre araignée répugnante sur le sol, à un mètre de ses pieds nus. La dernière araignée qu’il avait lâchée avait disparu sous le lit. À travers les fentes de son masque, derrière lesquelles étaient dissimulés ses yeux, elle put voir briller l’excitation dans son regard exorbité et
dément.

Quel sombre connard. Une araignée de la taille d’une balle de golf.
C’était tout ce qu’il
avait ?

Ses jambes, des chevilles aux genoux, étaient également attachées avec du ruban adhésif et du fil de fer. Mais elle pouvait plier les genoux et tendre les jambes à volonté, sans trop d’effort ni de
douleur.

Elle regarda l’araignée. L’insecte était suffisamment gros pour qu’elle entende le cliquetis de ses petites pattes sur le parquet en bois, tandis qu’il s’approchait d’elle. Elle la regarda attentivement.
Juste un peu plus près. Viens, l’araignée, tu peux le
faire.

Un petit cri d’excitation sortit de la gorge de l’homme au moment où la patte velue de l’araignée effleura son gros
orteil.

Hayley fit semblant de frissonner. Oui, c’était bien ce qui l’excitait.

Elle grinça des dents et leva les deux pieds en l’air pour les laisser retomber brutalement par terre, écrasant son talon nu contre le corps mou et rond de l’araignée. La bestiole explosa, recouvrant le sol d’une substance gluante dégoûtante. L’araignée de compagnie du psychopathe était
morte.

— Oups, fit-elle.

Elle leva les pieds pour lui révéler le carnage sous son
talon.

— Tu peux m’apporter un chiffon mouillé et nettoyer tout
ça ?

Il appuya sur le petit bouton de son appareil vocal et lança, de sa foutue voix
robotique :

— Tu vas le
regretter.

— Oui, oui. C’est ce qu’ils disent tous. Alors, c’est quoi le truc avec toi, vieux ? Tu es un imitateur ou tu es l’original ?

Sans lui prêter attention, il quitta la salle et fut de retour quelques minutes plus tard avec un balai et une pelle. Il nettoya les dégâts. Lorsqu’il revint pour la deuxième fois, il avait un linge mouillé à la main. Il s’agenouilla dans son pantalon beige impeccablement repassé et commença à lui essuyer les
pieds.

Elle les
retira.

— Ça
chatouille.

À cause du masque, il était difficile de savoir s’il était fâché, amusé, ou autre. Ça ne chatouillait pas vraiment, mais elle voulait qu’il se rapproche pour qu’elle puisse lui donner un coup de pied en pleine figure. Apparemment, il n’était pas aussi stupide qu’il en avait l’air.

Il garda ses distances tout en finissant de lui nettoyer les talons, lui saisissant fermement les orteils lorsqu’elle essaya de les retirer. Il devait être plus fort qu’il ne le paraissait, car elle croyait l’avoir bien amoché la nuit dernière en le poignardant, et pourtant il ne semblait pas
blessé.

— Alors, c’est quoi ton problème ? demanda-t-elle. Ton papa et ta maman jouaient avec tes parties intimes quand tu étais petit ? Ou peut-être tes oncles jumeaux aimaient jouer au
docteur ?

— La ferme, cria-t-il à travers son
synthétiseur.

— Pourquoi tu n’enlèves pas ton masque ? Si tu prévois de me tuer de toute façon et de transformer ma peau en oreiller ou quelque chose de ce genre, alors tu peux tout aussi bien te dévoiler maintenant. Allez, montre-moi à quoi ressemble un vrai
méchant.

Il se leva sans piper mot. En arrivant près de la porte, il se tourna pour la regarder, impassible. Elle avait beau refuser de l’admettre, le masque était tout de même
angoissant.

— Tu détestes ta mère, c’est ça le truc ? Et tu te crois obligé de torturer les femmes pour exorciser toutes les choses atroces et malsaines que ta mère
te…

La porte se referma en claquant avant qu’elle ait pu terminer sa
phrase.

Elle appuya sa tête contre la colonne de lit et poussa un long soupir tremblant. Puis elle recommença à bouger les bras, grimaçant en sentant le fil de fer lui entamer plus profondément la
chair.

CHAPITRE 27

Samedi 20 février 2010, 9 h
 32

 

Jared et Lizzy avaient s’étaient installés à une table, dans le bar. Ils attendaient l’arrivée de l’étudiant. Jared but une gorgée du café qu’il avait commandé et fit la
grimace.

— C’est une bonne chose que tu n’aies rien pris. Pas
bon.

— Tu as toujours été aussi
tatillon ?

Il l’ignora. Lizzy jeta un œil sur son téléphone
portable.

— Notre type a deux minutes de retard. À ce propos, est-ce qu’il a un
nom ?

Jared secoua la
tête.

— La personne qui a appelé a dit que l’étudiant avait peur et ne voulait pas encore révéler son
identité.

Lizzy garda le silence. Elle s’inquiétait pour Brittany et espérait que sa nièce était en
sécurité.

Jared se pencha sur la table, les yeux dans les
siens.

— Nous touchons au but, Lizzy. Nous allons l’avoir.

Elle priait pour qu’il ne se trompe
pas.

— Regarde, dit-elle en désignant la porte du menton, il est
là.

Rien qu’en voyant ses cheveux bouclés, elle savait que le jeune homme qui venait d’entrer dans le café était le coursier de la photo que Jessica avait prise sur son
téléphone.

Lizzy lui fit signe de les rejoindre. Il était grand et maigre. De près, il semblait ne pas avoir plus de dix-sept ans. Jared se leva et tira une chaise pour lui permettre de s’asseoir.

— Je suis Jared Shayne et voici Lizzy
Gardner.

Le jeune homme jeta un coup d’œil à Lizzy. Sa mine sombre indiquait clairement qu’il ne les rencontrait pas de gaîté de
cœur.

Il s’assit. Ses yeux balayèrent l’endroit, avant de se poser sur le parking, par-dessus son
épaule.

— Je n’ai pas beaucoup de
temps.

— Nous vous avons commandé un café au
lait.

Jared fit glisser la tasse café fumante vers
lui.


 Merci.

Il but une gorgée. Lizzy remarqua que sa main tremblait lorsqu’il porta la tasse à ses
lèvres.

— Qu’avez-vous besoin de savoir ? demanda-t-il.

Jared fut le premier à
parler.

— Qui vous a embauché pour remettre un paquet au bureau de Mlle Gardner, l’autre
jour ?

— Je ne connais pas son nom. C’était un homme qui devait avoir un peu plus d’une quarantaine d’années.

— Comment vous a-t-il
trouvé ?

— Il traînait sur le campus un matin, quand je suis arrivé à vélo. Il m’a demandé si je connaissais quelqu’un qui serait intéressé pour effectuer une mission rapide payée trois cents dollars. Il a dit que la course devait être faite immédiatement, sinon le marché ne tenait
pas.

— Pourquoi êtes-vous si
nerveux ?

— Quelque chose était troublant chez ce gars. Il m’a dit qu’il me retrouverait et se chargerait de moi si je parlais à qui que ce
soit.

Lizzy regarda Jared, puis à nouveau le jeune homme. L’excitation la submergeait à l’idée qu’ils étaient peut-être en présence d’un individu qui avait vu et parlé à Spiderman. Ils avaient besoin de son aide. Elle se pencha en
avant.

— À quoi ressemblait cet homme ? Était-il mince ? Costaud ? Des cicatrices ou des
tatouages ?

Le garçon
expira.

— C’était un Blanc. Il avait une barbe, une barbe épaisse et très grisonnante. La barbe était bizarre, elle semblait fausse, mais je n’ai pas vu de colle. L’homme était de corpulence
moyenne.

— Quelle
taille ?

— Je n’en suis pas
sûr.

Il examina
Jared.

— Environ votre taille et votre carrure, je
dirais.

— Et ses yeux ? demanda Lizzy, dont la voix trahissait le désespoir. De grands yeux ? Des fentes
étroites ?

— C’est tout ce dont je me souviens, dit-il, la mine pincée, conscient de la pression qu’on mettait sur
lui.

— Trois cents dollars en liquide, proposa Jared, si vous acceptez de rencontrer un
dessinateur.


 Pourquoi ?

— Il faut que vous donniez au dessinateur une description de l’homme qui vous a embauché. Plus vous fournirez de détails, mieux ce sera. L’artiste dressera un portrait-robot à partir de vos éléments pour que nous puissions diffuser publiquement son
image.

— Mais qui est ce type, d’abord ?

— C’est un cruel assassin, affirma Lizzy en espérant lui faire comprendre à quel point sa coopération était
importante.

— Nous savons qu’il a déjà tué une fillette, dit Jared. Nous devons le retrouver avant qu’il ne fasse du mal à quelqu’un d’autre.

— Et
moi ?

Le jeune homme écarquilla les yeux. Il posa une main sur son
torse.

— Il va avoir une dent contre
moi.

Jared lui tendit sa
carte.

— Vous êtes un grand garçon. Il serait stupide d’essayer de vous chercher des
noises.

Le jeune homme semblait terrifié lorsqu’il se leva en repoussant sa
chaise.

— Je dois y réfléchir. Si j’accepte de rencontrer le dessinateur, vous devrez me payer au moins mille
dollars.

— Appelez-moi quand vous aurez pris votre décision, dit
Jared.

Lizzy se leva à son tour. Elle était sidérée que Jared s’apprête à le laisser partir ainsi. Il était leur seule piste et ils ne connaissaient même pas son
nom.

— Avez-vous des sœurs ? demanda-t-elle.

Il se retourna, hésitant, puis hocha la
tête.

— Vous feriez mieux de penser à elles quand vous prendrez votre décision. Que voudriez-vous que l’on fasse si ce fou posait la main sur quelqu’un qui vous est
cher ?

— Je vais y réfléchir, dit le jeune homme avant de tourner les talons et de franchir la
porte.

 

 

Samedi 20 février 2010, 13 h
 42

 

Lizzy applaudit lorsque le nom de Brittany Warner fut annoncé au haut-parleur. Elle se sentit gonflée de fierté quand la médaille d’or fut passée autour du cou de sa nièce. Huit jours s’étaient écoulés depuis qu’elle l’avait vue pour la dernière fois, mais elle avait l’impression que cela faisait des
mois.

Lizzy agita la main, mais Brittany ne l’aperçut pas dans cette nuée de jeunes gens enroulés dans des serviettes. Lizzy se tourna vers Jared, assis à côté d’elle sur les
gradins.

— Je vais saluer Brittany avant qu’on s’en aille. Tu veux venir avec
moi ?

— Je vais attendre ici. Je sens déjà le regard réprobateur de ta sœur sur
moi.

Le visage de Brittany s’illumina au moment où elle repéra Lizzy qui arrivait dans sa direction. Brittany laissa tomber sa serviette et son sac de sport et se précipita à sa rencontre. Elles restèrent un long moment enlacées avant que Lizzy ne recule d’un pas pour mieux admirer sa
nièce.

— Tu as été
formidable !

Brittany
sourit.


 Merci.

— Ouah ! fit Lizzy. Depuis quand as-tu un
appareil ?

— Moins d’une semaine. Le Dr McMullen a dit que je n’avais besoin de le porter que pendant un
an.

Lizzy passa une mèche de cheveux noirs derrière l’oreille de Brittany. Certes, elle voyait sa nièce au moins une fois par semaine depuis sa naissance, mais elle avait du mal à croire qu’elle ait pu grandir si
vite.

Brittany regarda autour d’elle.

— Tu es ici toute
seule ?

— Je suis avec un
ami.

Elle désigna les gradins et sourit lorsque Jared leur répondit en agitant la
main.

— Il est mignon. C’est
qui ?

— Nous travaillons sur un projet commun en ce moment, mais nous sortions ensemble au
lycée.

— Cool. Je peux le
rencontrer ?

Cathy appela Brittany avant que Lizzy ne puisse
répondre.

Lizzy salua sa sœur de la main, mais Cathy esquiva son regard et fit signe à Brittany de venir lui parler en
privé.

— J’arrive tout de suite,
maman.

Brittany se tourna vers
Lizzy.

— J’imagine que vous êtes encore fâchées toutes les
deux ?

— Elle m’en veut, fit Lizzy, mais elle s’en remettra. Ça va s’arranger. Comme toujours. Comment ça se passe, à l’école ?

Brittany haussa les
épaules.

— Ça va, mais je suis fatiguée aujourd’hui. J’ai passé une heure et demie avec mon professeur particulier de maths hier
soir.

— Mon pauvre bébé, se moqua Lizzy. Les maths n’ont jamais été ma matière préférée, à moi non plus. Ton professeur t’aide à
progresser ?

— C’est trop tôt pour le dire. J’étais censée travailler pendant une heure seulement, mais M. Gilman était tellement concentré sur les équations qu’il en a oublié l’heure. C’est un
intello.

— Quelle poisse, lâcha spontanément Lizzy. Est-ce ton nouvel entraîneur de
natation ?

Brittany suivit le regard de Lizzy en direction d’un groupe de filles toutes vêtues du même maillot rouge. Elles se pressaient autour d’un homme, que Lizzy supposa âgé d’une petite quarantaine d’années. Il portait un pantalon beige, un polo blanc et une casquette de base-ball ornée de l’emblème d’un
dauphin.

— Je ne t’en ai pas parlé ? demanda
Brittany.

Lizzy
tressaillit.

— Non, pourquoi, que se passe-t-il ?

— Ne le dis pas à maman, parce qu’elle va flipper, mais il est un peu inquiétant, c’est
tout.

— C’est-à-dire ?

— Parfois, il nous dévisage, moi et certaines autres
filles.

Elle frissonna avec
exagération.

— Il me file la chair de
poule.

Lizzy fronça les
sourcils.

— Il t’a touchée de manière
inappropriée ?

— Non. J’ai promis à maman que je le lui dirais si un entraîneur ou un prof avait un geste
déplacé.

Lizzy observa attentivement l’entraîneur. Elle essayait de se l’imaginer avec une
barbe.

— Comment s’appelle-t-il ?

— Henry
Sullivan.

— Il est de la
région ?

— Je ne sais pas
trop.

À cet instant, l’une des filles interpella Brittany. Apparemment, elles voulaient prendre une photo de
groupe.

— Tu ferais mieux d’y aller, dit
Lizzy.

Elle serra sa nièce dans ses
bras.

— Je t’aime. Tiens-moi au courant de tes progrès en maths… et de ton nouvel
entraîneur.

— Promis. Merci d’être venue, lança Brittany en rejoignant son équipe. Et la prochaine fois, je veux rencontrer ton
copain.

Ce n’est pas mon copain
, s’apprêtait à répondre Lizzy, lorsque Brittany se retourna vers elle et lui
dit :

— Oh, Lizzy, autre
chose.

Lizzy
attendit.

— Tu aimes ta nouvelle
sonnerie ?

— Sympa. Très
sympa.

Elle regarda Brittany s’éloigner en chantant
Louie Louie
. Elle envisagea d’adresser la parole à Cathy, mais d’après l’attitude de sa sœur, crispée et droite, le moment était mal
choisi.

Lizzy prit une profonde inspiration avant de reporter son attention sur l’entraîneur.
Henry Sullivan
. Rien chez cet homme ne lui semblait familier, mais ce n’était pas ce qui allait l’empêcher de le placer en tête de sa liste de
suspects.

 

 

Samedi 20 février 2010, 15 h
 10

 

— Je ne fais pas confiance à l’entraîneur, Sullivan, dit Lizzy à Jared pour la deuxième fois depuis qu’ils avaient quitté le centre
aquatique.

Jared conduisait. Lizzy se faisait du
souci.

— Nous devons présenter un mandat pour fouiller sa maison, dit-elle. Ton père est juge. Tu pourrais en obtenir un rapidement,
non ?

— Lizzy, du calme. Procédons méthodiquement. Il ne faudrait pas l’effrayer avant d’avoir eu le temps de nous pencher sur son cas. Tu as dit toi-même qu’il ne te semblait pas
familier.

— Ça fait quatorze ans. Spiderman peut avoir beaucoup changé. Et s’il avait eu recours à la chirurgie
esthétique ?

Une telle idée la déconcertait au plus haut point. Il avait pu subir nombre de transformations au cours des quatorze dernières
années.

— Combien de victimes de Spiderman pratiquaient la natation, d’après Jessica ? Trois ?
Quatre ?

— Je vais appeler Jimmy et lui demander d’envoyer quelqu’un surveiller Sullivan. Entre-temps, allons à la prison du comté pour avoir une petite discussion avec Betsy à propos de la montre qu’elle a promis de conserver pour
toi.

— Si elle était soûle à l’époque, ce qu’elle a vu n’aura pas d’importance.

Jared
soupira.

— Et s’il arrivait quelque chose à Brittany ? demanda Lizzy, incapable de se défaire de l’impression que Spiderman pouvait être absolument n’importe qui. Je ne me le pardonnerais jamais s’il lui arrivait quelque chose parce que je n’ai rien fait pour la protéger de
Sullivan.

— Tu te sentirais mieux si on s’occupait nous-mêmes de lui ? Le prendre en filature, voir où il
habite ?

— Oui, je
préférerais.

Other books

The Darkest Corners by Kara Thomas
Elizabeth Raines by Their Princess
Wicked Game by Jeri Smith-Ready
The Lion Who Stole My Arm by Nicola Davies
Julien's Book by Casey McMillin
Scaring Crows by Priscilla Masters
Eva by Peter Dickinson