Réplique (Les enquêtes de Lizzy Gardner t. 1) (French Edition) (21 page)

Jimmy regarda Jared et leva les mains au
ciel.

— Raisonne-la.

Puis il disparut à l’extérieur, où ses techniciens ratissaient les environs à la recherche du moindre
indice.

— Où est le corps de Maggie ? demanda-t-elle à
Jared.

— Elle est dans ma voiture. Je m’en
occuperai.

— Je ne veux pas qu’elle soit jetée aux ordures ou abandonnée quelque
part.

— Les techniciens doivent d’abord l’examiner. Quand ils auront terminé, je pensais la ramener chez moi et l’enterrer dans mon jardin. Tu te souviens de mon retriever,
Sadie ?

Elle hocha la
tête.

— Elle est enterrée là-bas, près d’un
cerisier.

Elle ne répondit pas. Jared s’assit à côté de Lizzy, sur le canapé. Il s’approcha d’elle et effleura son front du bout des
lèvres.

— Il n’y a aucun chat que Sadie n’aimait
pas.

Lizzy détourna le
regard.

— Je suis si triste pour Maggie. J’aurais dû la
surveiller.

— C’est de ma faute. Elle essayait tout le temps de se faufiler dehors, mais hier soir je n’ai pas fait attention. J’étais trop préoccupée par le prochain coup que jouerait Spiderman. Je ne sais pas si je pourrai encore supporter cette situation bien
longtemps.

— Nous allons le retrouver,
Lizzy.

Elle se pencha vers lui et posa sa joue contre son
épaule.

— Ne fais pas de promesses que tu ne peux pas
tenir.

Il était devenu agent de police parce qu’il voulait protéger les gens qu’il aimait. Mais à cet instant précis, il prit conscience que
vouloir
protéger un être cher et le
faire
étaient deux choses bien
différentes.

CHAPITRE 23

Vendredi 19 février 2010, 13 h
 30

 

Après des heures de travail sur Internet, à chercher et recueillir des informations sur les disparues, Lizzy commença à avoir envie de bouger. Jared l’avait déposée à son bureau il y avait un bon moment déjà, et il ne reviendrait pas avant six heures. Elle devait continuer à s’occuper l’esprit pour ne pas penser à la pauvre Maggie. Elle se tourna vers
Jessica.

— Es-tu venue en voiture aujourd’hui ou est-ce ton frère qui t’a
déposée ?

— J’ai pris ma
voiture.

Lizzy se leva et lui fit signe de venir depuis la porte d’entrée.

— Allez, viens. Je te paierai le plein d’essence.

Jessica attrapa son sac à
main.

— Où allons-nous ?

Lizzy brandit son
calepin.

— Nous avons au moins une douzaine de docteurs sur notre liste de suspects. Au
travail.

Jessica suivit
Lizzy.

— Je croyais que tu avais promis à ton petit ami de rester ici jusqu’à son
retour.

— Ce n’est pas mon petit
ami.

— Quel
dommage.

Lizzy verrouilla la porte derrière
elles.

— Pourquoi
cela ?

— Il est sexy, et puis il semble très protecteur envers toi et je trouve ça
adorable.

— Je suis seule depuis trop longtemps pour avoir quelqu’un sur le dos à me dire ce que je dois
faire.

— Quel âge as-tu ?

— Peu
importe.

 

 

Il était près de seize heures quand Jessica et Lizzy sortirent du cabinet du Dr Griffin. Elles se dirigèrent vers la fourgonnette Volkswagen de Jessica, l’un de ces véhicules rétro dans lesquels tant de bébés des années soixante-dix avaient été
conçus.

Lizzy devait s’arc-bouter pour avancer contre le vent. Les arbres de l’autre côté de la route se balançaient avec force. On avait prévu des bourrasques de quatre-vingt-quinze à cent trente kilomètres heure vers huit heures du
soir.

Lizzy monta sur le siège passager et ferma la portière. Jessica contourna le capot et sauta derrière le volant. Aucune des deux ne parlait. Elles avaient rendu visite à cinq docteurs, et jusqu’à présent, elles les avaient tous rayés de la liste. Deux des médecins avaient facilement une soixantaine d’années. Cette raison suffisait à les écarter des suspects potentiels. Un autre docteur mesurait à peine plus d’un mètre soixante et était bien trop jeune. Le quatrième médecin était en Afrique au moment où les trois premiers meurtres avaient été commis. Mais la patience était une vertu. Ce n’était qu’une question d’élimination.

À l’instar des autres cabinets, celui qu’elles venaient de visiter avait des murs blancs austères, une odeur tenace d’antiseptique et une boîte à déchets biorisques remplie d’aiguilles usagées. À la différence des autres médecins, le Dr Griffin correspondait à la fourchette d’âges qu’elles recherchaient. Il était également grand, large d’épaules et bien habillé, dans son costume bleu immaculé. Il portait des lunettes à monture d’acier en équilibre au bout de son nez fin, et son sourire affable était en harmonie avec son
regard.

Jessica rejoignit la route
principale.

— Quelque chose chez le Dr Griffin t’a-t-il paru
familier ?

— Non, fit Lizzy. Il avait le bon âge, la bonne taille et le bon poids, mais il avait une légère fossette au menton. Spiderman n’avait pas de
fossette.

Jessica
soupira.

— La seule chose dangereuse chez ce Dr Griffin, c’était son sourire
ravageur.

Surprise par le franc-parler de la jeune fille, Lizzy ne put s’empêcher de lui
sourire.

— Il nous faut attraper ce type, dit
Jessica.

— Il y a quelque chose dont je veux te
parler.

Lizzy avait eu un pressentiment la nuit dernière. Dans son rêve, elle avait vu Jessica qui baignait dans une mare de sang. Si Spiderman était à sa recherche, il risquait fortement de tomber sur
elle.

— Je ne veux pas te faire de peine, Jessica, mais je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée pour toi de collaborer si étroitement avec moi. Comprends-moi bien. J’apprécie ta compagnie et je trouve que tu travailles dur. Tu vaux chaque centime que je te verse,
mais…

— Tu ne m’as jamais payé un
centime.

Lizzy fronça le
nez.

— Tu en es
sûre ?


 Certaine.

— Au temps pour moi. Note les heures que tu as faites jusqu’à présent et je m’en chargerai aussi vite que
possible.

— Est-ce que tu me flanques à la
porte ?

— Bien sûr que
non.

Lizzy se gratta la
tête.

— C’est juste que je t’estime bien trop pour te faire courir plus de danger que je n’en risque déjà. La personne qui a tué Sophie n’en est qu’à l’échauffement. Qui sait quelle sera sa prochaine
proie ?

— Tu ne peux pas me renvoyer, Lizzy. Je ne t’ai encore jamais parlé de moi parce que… eh bien, parce qu’il ne fait aucun doute que tu ne veux rien savoir de mes problèmes
personnels.

— Je n’ai jamais dit
ça.

Jessica
grogna.

— Tu n’as pas à me mentir. Je ne suis pas ton petit
ami.

La jeune fille commençait à lui taper sur les
nerfs.

— Ce n’est pas mon petit
ami.

— Si tu le dis. Je suis étudiante en psychologie, ne l’oublie
pas.

Lizzy resta muette. Après tout, ça ne la tuerait pas de laisser Jessica s’épancher.

— La raison pour laquelle je ne suis pas allée dans le New Jersey, c’est parce que ma mère a rechuté et qu’elle refuse de se rendre à une autre réunion des AA. Juste avant que maman recommence à boire, mon petit ami s’est engagé dans les Marines. Je n’en ai encore parlé à personne, mais alors que tout s’écroulait autour de moi, j’ai reçu mon premier D en psychologie. Le doyen m’a annoncé que je n’avais plus droit à l’erreur.

— Je suis
désolée.

— Ce n’est pas tout. Mon frère ne peut pas supporter de voir l’état de maman se détériorer, alors il prévoit de déménager chez un ami, dans le New Jersey, et de me laisser m’occuper de maman toute seule. Malheureusement, ce travail affreusement dangereux et sans rémunération que tu m’as offert est la meilleure chose qui m’arrive en ce moment. Tu ne peux pas me virer. Je ne te laisserai pas
faire.

— C’est
tout ?

Jessica s’arrêta au feu et lui jeta un coup d’œil.

— Oui. Sans compter que je me suis cogné l’orteil et que je me suis fait une coupure au
rasoir.

— Tu t’es cogné l’orteil ? C’est
horrible.

Jessica la regarda comme si elle était devenue folle. Puis elle remarqua le sourire en coin de Lizzy et elle éclata de
rire.

Lizzy rit à son tour avant de lui montrer que le feu était passé au
vert.

Au bout de quelques instants de silence, Jessica regarda dans son
rétroviseur.

— Nous ne savons pas quel type de voiture Spiderman conduit, n’est-ce
pas ?

C’était bon de rire avec Jessica, mais sa question venait subitement de chasser toute forme d’entrain.

— Pourquoi me demandes-tu
ça ?

— Parce que je jurerais que c’est le même 4x4 bleu que j’ai aperçu il y a quarante-cinq minutes, quand on se rendait au cabinet du Dr
 Griffin.

Lizzy détacha sa ceinture pour se retourner et avoir une meilleure vision de l’arrière. Elle se rassit dans le sens de la marche, ouvrit son sac à dos et fouilla pour y trouver ses jumelles. Zut. Elle les avait laissées dans son Fidèle Vagabond. Le 4x4 bleu était sur la même file qu’elles, trois voitures
derrière.

— Change de
voie.

Jessica obéit. Quelques secondes plus tard, le 4x4 se décala à son tour. Lizzy ne parvenait pas à distinguer les chiffres et les lettres de la plaque d’immatriculation.

— Reviens sur la même
voie.

Jessica s’inséra de nouveau. Au bout d’un moment, le 4x4 les
imita.

— Je veux que tu te gares sur le côté de la route la prochaine fois que tu en auras l’occasion. Et si le 4x4 nous dépasse, redémarre pour le
suivre.

Jessica se cramponnait au volant. La détermination se lisait sur ses traits, sa bouche ne formait plus qu’une fine ligne et ses yeux étaient concentrés droit
devant.

Lizzy ne quittait pas le 4x4 du regard, tandis que Jessica bifurquait près d’un jardin
public.

Le 4x4 passa à côté d’elles à toute
vitesse.

— Suivons-le. Le conducteur est un homme. Il porte une paire de lunettes aviateur et une
moustache.

Jessica rejoignit la route et accéléra. Une seule voiture les séparait lorsque le 4x4 tourna. Lizzy s’empara d’un stylo et griffonna 4L en haut du carnet de Jessica, posé entre elles
deux.

— Je pense qu’il nous a repérées, dit Jessica en changeant de file subitement puis en
accélérant.

Des secousses agitaient la carrosserie de la fourgonnette. Ses quatre pneus semblaient sur le point de se
détacher.

Lizzy s’agrippa à sa ceinture sans quitter le 4x4 des yeux, tandis que Jessica alternait entre les voies de circulation. À chaque tournant, Lizzy croyait que la fourgonnette allait se renverser. Le vent n’arrangeait rien. Devant, les feux passèrent à l’orange. Le 4x4 franchit le croisement et Jessica mit les gaz. Les voitures klaxonnèrent lorsqu’elles grillèrent le feu
rouge.

— Je ne le laisserai pas s’enfuir. Il tient peut-être
Mary.

Lizzy n’était pas certaine de comprendre ce dont parlait Jessica, mais ce n’était pas le bon moment pour l’interroger. Elle attrapa son téléphone portable et appela Jared. Il décrocha à la première
sonnerie.

— C’est moi, Lizzy. Je n’ai pas le temps d’expliquer, mais j’ai besoin d’aide. Je suis un 4x4 GMC bleu foncé de taille
moyenne…

Jessica donna un coup de volant. Le téléphone de Lizzy lui échappa des mains. Jessica se rabattit devant une file de voitures sur la voie de droite. Les roues du côté gauche de la fourgonnette décollèrent de la route. Lizzy s’agrippa à la console pour se stabiliser. Elle entendait la voix de Jared, mais elle ne pouvait rien faire. Elle se préparait à l’impact. Les roues percutèrent la chaussée dans un bruit métallique, et Jessica enfonça la pédale d’accélération. Cette fille était
folle.

Lizzy se pencha en avant. Elle pouvait presque distinguer la plaque d’immatriculation du GMC Terrain. Soudain, le véhicule coupa par une station-service et Lizzy crut l’avoir perdu. C’était compter sans Jessica, qui contourna un bâtiment et déboula juste derrière le
4x4.

En comparaison, le Daytona 500 passait pour un jeu d’enfants.

Lizzy récupéra son téléphone sur le sol lorsqu’il glissa dans sa
direction.

— Tout va
bien.

— Bon sang, mais qu’est-ce qui se
passe ?

— Nous étions suivies par un homme non identifié, mais maintenant c’est nous qui le suivons. Je pense qu’il s’agit de Spiderman. Envoie quelqu’un à ses trousses avant qu’on le perde de vue. Nous sommes sur Sunset, après Pleasant Grove. Il conduit un GMC Terrain bleu
foncé.

Jared Shayne était stable, patient, compréhensif et calme sous la pression. Parfois, il lui paraissait même surhumain. Elle aimerait bien le voir s’énerver un peu, juste une
fois.

— J’ai appelé la police, dit-il. Ils sont connectés à notre appel. As-tu pu apercevoir le
conducteur ?

— Il porte des lunettes aviateur. Il a une moustache. C’est difficile de tout distinguer à travers les vitres
teintées.

Les pneus crissèrent lorsque le 4x4 franchit une séparation pour s’insérer dans la circulation sur deux voies en sens inverse. Une Honda rouge fit une embardée sur la piste cyclable. La voiture qui la suivait s’écrasa contre le pare-chocs de la
Honda.

— Oh,
merde !

Une fois de plus, le téléphone lui avait échappé des mains. Elle se cramponna à nouveau à la console, alors que Jessica empruntait le même chemin, emportant sur son passage une rangée de jeunes
arbustes.

Le pneu avant droit de la fourgonnette percuta une surface solide et elles furent projetées vers l’avant. Le choc lui coupa brusquement la respiration. Elles s’arrêtèrent dans un crissement sur le tertre herbeux. L’un des pneus arrière de la fourgonnette s’envola sur deux voies et atterrit derrière une barrière, de l’autre côté de la
route.

Les voitures klaxonnèrent et des conducteurs furieux brandirent le poing en passant. Jessica écrasa l’avertisseur sonore pour répondre au dernier type, qui lui tendait son
majeur.

— Allez tous vous faire foutre ! hurla-t-elle par la vitre. On essaie d’arrêter un meurtrier, bande d’abrutis.

Lizzy restait sans voix, toute à sa joie d’être encore vivante. La fille avait du cran, sans parler de son langage
fleuri.

Jessica serra le volant comme pour l’arracher. Elle semblait à deux doigts de cracher du
feu.

— Nous étions si proches ! Il était juste là, à portée de
main !

Jessica brandit un doigt dans la direction du GMC qui avait
disparu.

— Je ne peux pas croire que nous l’ayons perdu. Je l’ai laissé s’enfuir.

De dégoût, elle secoua la
tête.

— Qu’y a-t-il ? demanda
Lizzy.

Son cœur battait trois fois plus vite qu’à la
normale.

— Qui est
Mary ?

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