Réplique (Les enquêtes de Lizzy Gardner t. 1) (French Edition) (20 page)

Avant de franchir le rebord de la baignoire pour accéder à la fenêtre, elle remarqua une montre… sa montre. Spiderman adorait cette montre. Elle le savait parce qu’il lui arrivait souvent de la caresser amoureusement sur son poignet, comme s’il cajolait un animal de compagnie. Elle l’attrapa et l’enfila à son bras, la remontant au-dessus du coude. Ensuite, elle s’empara du savon liquide pour les mains et elle se dressa sur le rebord de la baignoire pour atteindre la fenêtre de trente centimètres sur trente. Elle prévoyait son évasion depuis des semaines. Elle badigeonna de savon l’encadrement de la fenêtre pour atténuer le bruit, et, centimètre par centimètre, elle poussa la fenêtre pour l’ouvrir.

Affaiblie par le manque de nourriture et d’eau, elle essaya de grimper, mais ses épaules lui brûlaient. Chaque muscle lui faisait mal, tandis qu’elle peinait à hisser son corps suffisamment haut pour passer par l’ouverture. Elle craignait de se servir de ses jambes, de peur de heurter le mur et d’attirer ainsi l’attention.


 Lizzy !

Il l’appelait. Elle se
figea.

— Lizzy ! appela-t-il à
nouveau.

C’était maintenant. C’était sa dernière chance, sa seule
chance.

Elle manquait de temps. Il se mettait facilement en colère. Il était fort. Il ouvrirait sans doute la porte de la salle de bains d’un puissant coup de
chaussure.

Donne tout ce que tu as, Lizzy.
Au diable le bruit ! Cette fois, elle sauta puis, tout en fouettant l’air avec ses pieds, elle se hissa à grand-peine jusqu’à pouvoir passer les épaules à travers l’ouverture.

On secouait la porte. Il
arrivait.

Son cœur battait si fort et si vite qu’elle crut qu’il allait exploser. Sans se préoccuper de l’endroit où elle risquait de tomber, elle plongea la tête la première par la fenêtre et atterrit sur des buissons épais. Des branches pointues s’enfoncèrent dans sa peau. La peur lui nouait dangereusement la gorge tandis qu’elle s’extirpait frénétiquement de la haie. Elle eut l’impression de mettre une éternité avant de pouvoir enfin poser les pieds sur la terre
ferme.

Il hurlait et cognait contre la
porte.

Pas de panique, Lizzy. Quoi que tu fasses, ne t’arrête
pas.

En t-shirt, les jambes faibles et le corps endolori, elle détala aussi vite qu’elle le put. Le soleil se levait à peine. Elle aperçut un ciel bleu foncé chargé de gros nuages blancs. Elle entrevoyait la liberté. Elle n’avait aucune idée de l’endroit où elle se trouvait, ni de la direction qu’elle prenait. Elle savait seulement qu’elle devait courir vite si elle voulait revoir sa famille un
jour.

Cours, Lizzy,
cours.

Lizzy se réveilla en sursautant. Elle se redressa dans son
lit.

Un autre
cauchemar.

Elle observa autour d’elle, posant successivement les yeux sur son placard et sur les rideaux tirés devant sa fenêtre. Son regard s’arrêta sur l’horloge de sa table de chevet. Six heures trente du matin. D’habitude, ses cauchemars mettaient en scène l’une des victimes de Spiderman en train de se faire torturer. C’était la première fois qu’elle se remémorait son
évasion.

Elle retomba sur les oreillers et écouta sa respiration jusqu’à ce qu’elle redevienne sereine et
régulière.

Un grattement à sa fenêtre lui rappela que l’érable rouge à l’extérieur avait besoin d’être taillé. Elle avait appelé son propriétaire par deux fois pour lui demander d’élaguer les arbres autour de l’immeuble. Visiblement, cela n’avait servi à
rien.

Vêtue d’un jogging et d’un t-shirt, elle se glissa hors du lit en se demandant à quelle heure le sommeil avait fini par l’emporter la nuit dernière. Elle se souvenait à peine d’avoir souhaité bonne nuit à Jared avant de fermer les verrous. Elle lui en voulait toujours de ne pas lui avoir parlé de Sophie et du message, mais elle savait que, toute à sa colère, elle se trompait de cible. Jared essayait seulement de la
protéger.

Elle se rendit dans la cuisine et appela Maggie, étonnée qu’elle ne se soit pas déjà
manifestée.

— Viens ici, minou, minou. Allez, Maggie. C’est l’heure du petit-déjeuner.

Maggie n’aimait pas les tempêtes. Le vent soufflait si fort, faisant craquer les murs… pas étonnant que Maggie se soit terrée quelque
part.

Lizzy balaya le salon du
regard.

— Maggie. Viens ici, minou. Tout va
bien.

Maggie n’était ni sur le canapé ni sous la table basse, deux de ses cachettes favorites. Elle baissa les yeux sur les papiers éparpillés sur le sol du salon et se rappela tout le travail qui lui restait à faire. Elle avait aussi l’impression, pour la douzième fois, que quelque chose de crucial lui échappait… quelque chose qui se trouvait juste sous son nez, mais qu’elle n’avait pas encore assimilé :
le sport, la danse, l’école, la natation, les adolescentes, les yeux marron… qu’était-ce donc ? Qu’y avait-il qu’elle ne voyait pas ? Il avait tué Sophie. Il tuerait à
nouveau.

Une fois de plus, elle avait été surprise la veille au soir par tout le travail que Jessica avait abattu en si peu de temps. Apparemment, elle avait utilisé la plus vieille astuce du monde pour amener les amis et la famille des disparues à répondre à ses questions : elle leur avait dit la vérité, qu’elle travaillait avec un détective privé pour essayer de découvrir s’il y avait bel et bien des liens entre la disparition de leurs enfants et les victimes de Spiderman. Les membres des familles et les amis s’étaient empressés de répondre à ses questions. Les parents des filles disparues en avaient assez d’être ignorés, de ne pas connaître la vérité. Ils voulaient des réponses, et peu leur importait qui les leur
fournirait.

Elle empila les documents, avant de poser les liasses sur la table basse. Le téléphone sonna et elle décrocha avant la deuxième
sonnerie.


 Allô.

— Lizzy, dit-il de sa sempiternelle voix de robot, c’est
toi ?

Elle garda le silence tout en regardant la lumière rouge du boîtier. Jimmy lui avait expliqué que son interlocuteur devait rester en ligne pendant au moins soixante secondes. Elle avait cru le tenir la dernière fois. Elle compta jusqu’à dix, déglutit et
répondit :

— Bien sûr, c’est moi. Je croyais que tu me connaissais mieux que
quiconque.

Sa bouche devait être collée contre l’émetteur, car elle pouvait l’entendre
respirer.

— Tu redeviens trop maigre, Lizzy. Ce n’est pas séduisant. La première fois que je t’ai rencontrée, tu avais de la chair sur les os. Que t’est-il
arrivé ?

Elle serrait les dents. Reste calme. Plus que tout, elle voulait lui hurler d’aller au diable et raccrocher, mais elle
résistait.

— Tu as perdu ta langue,
Lizzy ?

— Je suis là, finit-elle par
dire.

Elle regarda la lumière rouge, impatiente de la voir
clignoter.

— Pourquoi m’appelles-tu ? Que veux-tu ?

— Je préfère ça. Voilà la Lizzy déterminée et obstinée dont je me souviens. Je voulais juste entendre ta voix, Lizzy. Tu te souviens, quand on chantait
Ah, vous dirais-je
maman ?

Elle ferma les yeux en essayant d’empêcher la bile de lui remonter dans la gorge. Elle avait oublié la chanson. Elle avait volontairement occulté beaucoup de souvenirs. Et la dernière chose dont elle avait envie, c’était d’aller se promener dans sa
mémoire.

La lumière rouge se mit à clignoter.
Dieu
merci.

— Oui, je m’en souviens, dit-elle. Veux-tu que je te la chante
maintenant ?

Il éclata de
rire.

— Non. Je veux que nous gardions ça pour plus tard, tu sais, quand nous serons enfin
réunis.

Elle
inspira.

— J’aime ce que tu as écrit dans ton journal, même si je suis surpris de ne pas y être mentionné plus
souvent.

Respire, Lizzy. Respire, c’est tout. Il est impossible qu’il ait lu ton journal. Il joue avec toi. Mais d’abord, comment sait-il que je tiens un
journal ?

— Tu es là,
Lizzy ?

Elle attendait. La lumière rouge était à nouveau
continue.

— Je suis
là.

Ils avaient bien établi la connexion. Grâce à la petite lumière rouge, elle se sentait plus forte − plus déterminée que jamais à donner le premier coup de pelle qui creuserait sa
tombe.

— Quel est ton vrai nom, Spiderman ? Pourquoi es-tu si faux et si lâche ? Arrête de te cacher derrière de stupides surnoms de super-héros et des masques ridicules. Donne-moi ton véritable nom. Sois un homme, pour l’amour de Dieu. Comment t’appelles-tu ? Hank ? Jim ? Fred ? As-tu peur de me donner ton
vrai…

— Tu es une menteuse, dit-il en l’interrompant, du mépris plein la voix. Tu as menti à tes parents. C’est toi, la lâche et la voleuse, Lizzy. La pute folle à lier. La traînée. Tu as tout fait pour empêcher ton petit ami d’aller voir ailleurs, mais ça n’aurait jamais marché, Lizzy. Tu as tout donné pour rien. Tes copines te traitaient de fille facile dans ton dos. Au moins, je t’ai épargné d’entendre ça. Nous nous reverrons bientôt. Tu le sais, n’est-ce
pas ?

Un
silence.

— Je t’ai laissé un cadeau, Lizzy, devine ce que c’est.

Il marqua une pause et sa respiration se fit de plus en plus lourde. Elle ne voulait pas raccrocher. Elle le laisserait parler toute la journée s’il en avait
envie.

— Tu donnes ta langue au chat ? Retourne dans ta chambre, Lizzy, et regarde par la fenêtre si tu veux voir ce que c’est. À bientôt,
Lizzy.

Clic.
Ses mains devinrent moites et elle lâcha le combiné. Lentement, elle rentra dans sa chambre. Une petite voix lui disait de ne pas regarder, l’implorait d’aller dans la cuisine et d’appeler Jared. D’appeler Cathy. D’appeler la
police.

Appelle n’importe qui, mais quoi que tu fasses, Lizzy, ne regarde pas par cette fenêtre
, lui disait la voix. C’était la même qu’elle avait entendue et ignorée quatorze ans plus tôt :
N’écoute pas les cris dans la pièce du fond. Ne retourne pas chercher cette fille, Lizzy. Ne fais pas l’idiote.

Elle entra dans sa chambre et posa lentement un pied devant l’autre en direction de la fenêtre. Les grattements se faisaient plus insistants. Elle empoigna le rideau vert moussu.
Ne fais pas ça,
Lizzy !

D’un coup sec du poignet, elle écarta le rideau. Il était là. Son cadeau de la part de Spiderman. Ses genoux se dérobèrent et elle s’effondra sur le sol en
sanglotant.

CHAPITRE 22

Vendredi 19 février 2010, 9 h
 10

 

Cathy vérifia son maquillage dans le rétroviseur avant de sortir de sa voiture pour accompagner Brittany chez l’orthodontiste. Elle salua la femme derrière le bureau d’accueil et enregistra sa fille sur le bloc-notes. Le cabinet était propre et ordonné, et l’équipe chaleureuse et
efficace.

Son estomac se noua lorsqu’elle regarda autour d’elle en espérant apercevoir le Dr McMullen. Le cabinet appartenait à trois orthodontistes ; tous étaient agréables, mais le Dr McMullen était de loin le plus beau. Ses bonnes manières et son charme étaient deux des raisons pour lesquelles les visites de contrôle ne la dérangeaient
pas.

Brittany était déjà dans la salle d’attente, feuilletant les pages d’un magazine people lorsque Cathy aperçut le Dr McMullen qui sortait de son cabinet. Il la regarda furtivement et lui adressa un clin d’œil subtil, avant que son assistante lui tende un dossier en lui indiquant un patient qui attendait dans l’un des cinq fauteuils alignés contre le
mur.

Lorsque Richard était rentré la veille au soir, Cathy l’avait remercié, de mauvaise grâce et avec insistance, de s’être occupé de sa BMW. Puis elle lui avait servi une assiette de saumon grillé et de brocolis. Après le repas, il s’était endormi sur le canapé, sans lui poser une seule question sur sa journée. Il ignorait tout de ce qui se passait chez lui. Apparemment, il était trop occupé avec sa maîtresse. En fait, il avait quitté la maison si tôt dans la matinée qu’elle n’avait pas eu la moindre occasion de lui parler de la visite de Lizzy ni de l’agent du FBI garé de l’autre côté de la rue. Elle haussa les épaules.
Qu’il aille se faire
foutre.

Cathy avait perdu un kilo cette semaine. Étrange comme un peu de stress pouvait affecter l’appétit. Ce matin, elle avait sorti son plus joli pantalon noir et son pull favori, avec un col en V, qui la faisaient paraître plus mince de cinq kilos. Le pull dévoilait un léger décolleté, son meilleur atout. Elle avait également pris le temps de se boucler les cheveux. Même l’agent fédéral garé de l’autre côté de la rue s’était redressé sur son siège quand elle était sortie de la maison, un peu plus
tôt.

— Eh, maman, fit Brittany, as-tu appelé le prof particulier de math pour prendre rendez-vous ?

— Je ne te l’ai pas dit ? Tu as rendez-vous avec M. Gilman demain soir. C’était le seul créneau qu’il avait de libre. On aurait dit un homme âgé, tu es sûre que c’est le
bon ?

Brittany hocha la
tête.

— Il était prof de math à Carmen Junior High. Jenny affirme qu’il est très gentil. Et elle n’a que des
A.

— Très bien, mais je veux le rencontrer. Je t’accompagnerai à la porte quand je te déposerai. À moins qu’il ait un espace d’attente pour les
parents.

— Maman, ça craint. Tu ne peux pas simplement rentrer et revenir une heure plus
tard ?

— C’est à vingt minutes. J’attendrai dans la voiture en lisant mon
livre.

Cathy remarqua que sa fille levait les yeux au ciel. Même si elle ne voulait pas l’inquiéter, elle ne pouvait pas non plus prendre le risque de la laisser
seule.

— Et Lizzy ? demanda Brittany. J’irai la voir après les
cours ?

— J’ai bien peur que non. Elle est occupée cette
semaine.

Cathy n’était pas d’humeur à discuter de Lizzy avec sa fille. Elle avait besoin de temps pour bien
réfléchir.

— Tu pourras peut-être y aller vendredi prochain. On
verra.

— Brittany Warner, appela l’une des assistantes. Dr McMullen est prêt à vous recevoir,
maintenant.

Cathy était au comble de la nervosité. Elle fit glisser ses mains sur son pantalon et redressa son dos. Elle suivit sa fille dans la pièce où le Dr McMullen terminait avec l’un de ses patients. L’assistante leur désigna le fauteuil au bout de la rangée. Cathy remarqua que le docteur la regardait tandis qu’elle suivait Brittany jusqu’au siège. Elle lui sourit puis détourna le regard,
intimidée.

Peu de temps après, le Dr McMullen accueillait Cathy par une poignée de main
amicale.

— Alors, qu’avons-nous ici ? Je ne pensais pas vous revoir avant un mois, toutes les
deux.

Cathy
rougit.

— Je… je ne pensais pas non plus que nous serions là avant un moment. Je crains que l’un des fils de Brittany ne se soit
cassé.

Un léger rire sortit de sa bouche et elle se demanda s’il se moquait de ses émotions trop évidentes.
Les cheveux, la belle tenue… s’était-elle rendue
ridicule ?

Dr McMullen s’installa sur le tabouret à côté de sa fille. À l’aide de son petit miroir, il inspecta la bouche de Brittany et vérifia tous les
fils.

— Oui, c’est bien un fil
défectueux.

Cathy rougit à nouveau. Ridicule. Elle agissait comme une
écolière.

— Aurions-nous dû attendre le prochain rendez-vous ?

— Bien sûr que non. Vous avez bien fait de venir si vite. Les bons parents comme vous l’êtes me facilitent la
tâche.

Il avança le bras et lui prit la
main.

— Vous avez eu la réaction qu’il
fallait.

Cathy regarda sa main, serrée dans la sienne. Elle la retira en croisant le regard intrigué que lui lançait Brittany. La culpabilité l’envahit, non pas à cause du Dr McMullen, mais parce qu’elle venait de prendre une décision. Elle allait quitter Richard. Peut-être pas aujourd’hui, mais bientôt. Très
bientôt.

 

 

Vendredi 19 février 2010, 9 h
 15

 

Ses talons cliquetaient contre l’asphalte, provoquant un écho qui rebondissait sur les murs du parking couvert avant de lui revenir. Nancy Moreno tenait ses clés dans une main et sa bouteille de macis dans l’autre. Elle avait les nerfs à vif. Depuis qu’elle était sortie de chez sa psychologue, elle éprouvait la sensation effrayante d’être
observée.

Ses yeux volaient d’une voiture à l’autre, attentifs aux mouvements et aux ombres inhabituelles. Le parking était bien éclairé. La sécurité effectuait des rondes toutes les trente minutes, et pourtant, elle se sentait à découvert. Elle avait envie de parler à quelqu’un du coup de téléphone et de l’accord qu’elle avait passé avec le diable, mais à qui ? Elle n’était pas prête à rendre l’affaire publique. Si elle se confiait à Cunningham, il n’hésiterait pas à diffuser en boucle la nouvelle de sa conversation avec le
psychopathe.

Elle s’était couchée tard la veille, après avoir parcouru le dossier de Lizzy Gardner, une kyrielle de notes rédigées par Linda Gates, qui révélaient deux mois des pires sévices imaginables. Spiderman ne semblait pas connaître de
limites.

Nancy avait compris que s’il n’y avait qu’une seule personne à laquelle elle pouvait s’adresser, c’était Lizzy Gardner elle-même. Des bruits de pas résonnèrent non loin de là. Elle jeta un bref coup d’œil derrière
elle.

Il n’y avait
personne.

Elle se garait dans ce parking depuis des années et elle ne s’était jamais sentie en danger. Jusqu’à présent. Elle accéléra le pas. Elle n’aurait jamais dû voler le dossier de Lizzy
Gardner.

Elle avait ce que voulait le
monstre.

Si le contenu du dossier de Gardner était fondé, alors rien n’empêcherait Spiderman de le récupérer. Les lumières fluorescentes au-dessus de sa tête
vacillèrent.

Zut.

Son cœur battait la chamade. D’autres bruits de pas. Plus proches, plus
précipités.

Oh,
merde.

Sans tergiverser plus longtemps, elle prit ses jambes à son
cou.

 

 

Vendredi 19 février 2010, 9 h
 26

 

Jared cognait du poing contre la porte de Lizzy.
Où était-elle ?
Il avait appelé à trois reprises à son bureau. La troisième fois, Jessica avait décroché et affirmé qu’elle s’inquiétait pour Lizzy, car elles avaient prévu de se retrouver tôt dans la matinée. Lizzy ne répondait pas sur son téléphone fixe, ni à la porte de son
appartement.

Il dévala les escaliers et essaya de jeter un œil par la fenêtre de sa cuisine. Bon sang, il avait besoin d’une échelle. Il retourna à la porte et frappa de
nouveau.

— Lizzy, laisse-moi
entrer.

Le vent faisait un vacarme de tous les diables, secouant les arbres et faisant racler les branches contre la façade de l’immeuble. Ses cheveux dansaient d’avant en arrière sur son
front.

— Lizzy, cria-t-il, c’est moi. Laisse-moi entrer. Tout le monde s’inquiète pour
toi.

Une branche se brisa en deux et dégringola en travers de la
route.

— Jared, c’est
toi ?

Dieu soit
loué.

— Lizzy, répéta-t-il en s’efforçant de paraître calme, tout en accourant vers la
porte.

— C’est moi, Jared. Regarde par le judas,
Lizzy.

Il s’éloigna de la porte pour lui permettre de bien le
distinguer.

— Tu me
vois ?

— Maggie est morte, fit-elle.

Il appuya son front contre la porte, attristé par la nouvelle, mais soulagé de constater que Lizzy était en vie. Depuis une vingtaine de minutes, il commençait à en
douter.

— Où est
Maggie ?

— Devant la fenêtre de ma chambre. Je ne sais pas quoi
faire.

— Reste où tu es. Je m’occupe de Maggie, puis je reviens frapper à la porte. Pendant ce temps, garde les verrous fermés. D’accord,
Lizzy ?

Sans attendre la réponse, il dévala les escaliers quatre à quatre et atterrit sur le trottoir. Les yeux levés vers les hautes branches, il se rapprocha d’un pas vif de l’imposant érable qui se dressait devant la fenêtre de la chambre de Lizzy. L’arbre mesurait près de dix-huit mètres de haut et ses épaisses branches nues s’entremêlaient. Suspendue à une corde se balançait une boule de fourrure noire et blanche. Maggie. Oh,
non.

Il devait décrocher Maggie avant que Lizzy ne regarde à nouveau par la fenêtre. Il traversa la route à petites foulées en direction de sa voiture et ramena sa Denali sur le trottoir, sous l’arbre. Il sortit une paire de gants de son coffre, afin de ne pas dégrader les indices éventuels. Jimmy ne serait pas content, mais qu’il aille au diable. Jared grimpa sur le toit de sa voiture et s’attaqua aux nœuds de la corde. Quelques minutes plus tard, il tenait Maggie dans ses bras. Il vida le contenu d’une boîte qui se trouvait dans son coffre et plaça précautionneusement Maggie à l’intérieur. Puis il passa un appel
téléphonique.

Vingt minutes plus tard, Jimmy Martin et deux collègues de leur force opérationnelle inspectaient l’appartement de Lizzy et ses alentours. Jared apporta à Lizzy une tasse de thé chaud. Elle était assise sur le canapé, une couverture passée mollement sur ses épaules. Ses listes jonchaient le sol. Elle ordonnait de reculer à tous ceux qui tentaient de toucher à ses
dossiers.

— On dirait que vous avez réussi à garder Spiderman en ligne suffisamment longtemps pour établir une connexion, lui dit Jimmy. L’appel a été passé depuis une station-service du centre-ville de Sacramento, près de Broadway. Nous y avons envoyé quelqu’un pour relever les
empreintes.

— Et le bureau de Lizzy ? demanda
Jared.

De la pointe de sa chaussure, Jimmy corna l’un des papiers de
Lizzy.

— D’autres
listes ?

— Oui, je les épluche plusieurs fois, répondit-elle d’un ton
las.

— Cette fille-là, dit-il en désignant une photo agrafée à l’une de ses feuilles, il s’agit en fait d’une
fugue.

Lizzy se
renfrogna.

— Ce n’est pas votre liste. C’est la mienne. Avec ou sans votre coopération, je trouverai
Spiderman.

Jimmy fit un geste du menton pour indiquer à Jared qu’il souhaitait s’entretenir avec lui en
privé.

— Dites ce que vous avez à dire, lança
Lizzy.

— En face de la station-service, expliqua Jimmy, se trouvent les studios d’une chaîne d’information locale. Deux appels sur votre téléphone ont été passés depuis les
studios.

Il regarda
Lizzy.

— Vous connaissez quelqu’un qui aurait pu appeler depuis la chaîne d’information Channel
10 ?

— Aucune idée, fit Lizzy sans lever les yeux vers
lui.

— Restez à l’écart des médias jusqu’à ce que je vous donne le feu
vert.

Elle mima un
salut.

— Oui,
chef.

— Comment a-t-il capturé le chat si les portes étaient fermées à clé ? s’enquit
Jimmy.

— Maggie a dû se glisser dehors quand je suis parti hier soir, dit Jared. Je ne vois que cette
possibilité.

Jimmy jeta quelques notes sur son carnet et se tourna vers
Lizzy.

— Vous n’avez pas l’intention d’aller quelque part aujourd’hui,
si ?

— Je vais au bureau dès que vous et vos hommes aurez libéré les lieux. À sept heures ce soir, je serai au lycée de Granite Bay pour faire cours à des douzaines de jeunes filles. Je dois leur apprendre comment rester en vie dans ce monde de fous dans lequel nous
vivons.

— Mauvaise
idée.

— Dommage. Ce fils de pute a tué Sophie, et maintenant Maggie. Mais il ne m’empêchera pas de vivre ma
vie.

Jimmy
soupira.

— Pour votre information, ajouta Lizzy, si ce taré s’approche de moi, je lui fais griller la cervelle pour mettre un terme à toute cette
folie.

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