Read Réplique (Les enquêtes de Lizzy Gardner t. 1) (French Edition) Online
Authors: T. R Ragan
Tags: #Thriller
—
Alors ?
— Alors j’ai obtenu la preuve dont j’avais besoin, mais que je
redoutais.
Elle tapota son sac à
dos.
— Tout est là… des douzaines de photos
compromettantes.
Elle lui serra le
bras.
— Tu ne comprends pas ? C’est lui. Victor, l’homme qui m’a embauchée pour suivre Valerie, c’est Spiderman. Il sait que ma mère a déménagé et que mon père ne veut plus rien avoir à faire avec moi. Il doit savoir que Cathy et moi sommes en terrain glissant quand il s’agit de nos relations. Spiderman voulait que j’apprenne la liaison de Richard pour que je le dise à ma sœur, rompant ainsi mes derniers liens avec ma
famille.
Elle secoua la
tête.
— J’ai appelé Cathy, mais je n’ai pas pu le faire. Je n’ai pas pu lui dire la
vérité.
— Nous devons le lui
dire.
— Je ne peux
pas.
— Si Spiderman est au courant pour ton beau-frère, supposa Jared, alors il surveille leur maison… ce qui signifie qu’il observe aussi ta
nièce.
Le cœur de Lizzy lui dégringola dans l’estomac. Elle prit conscience qu’elle n’avait pas encore véritablement connu la terreur jusqu’alors. Brittany était en danger. Des courants électriques glacés lui parcoururent le
corps.
— Il est en train de gagner, c’est
ça ?
Jared lui passa un bras autour des
épaules.
— Allons dans ton bureau. Je donnerai quelques coups de fil et j’enverrai quelqu’un surveiller la maison de ta
sœur.
—
Quand ?
—
Maintenant.
Elle remarqua un nerf qui tressautait dans la mâchoire de Jared. Son regard était terne et vide. Il s’était rendu sur la scène de crime, sans aucun doute. Elle éprouva un élan de compassion pour lui. Et pour Sophie et sa famille. Elle ne pouvait pas croire que la jeune fille était morte. Pauvre
Sophie.
— Le coursier qui a apporté le paiement de Victor hier, dit-elle pour rompre le silence, est vraisemblablement un étudiant en université. Il est parti avant que Jessica ne puisse lui poser des questions. Elle a quand même réussi à prendre une photo avec son téléphone. Quand nous l’avons agrandie, nous avons pu voir un autocollant de Cosumnes River College sur son casque. Il semble bien trop jeune pour être Spiderman, mais il peut éventuellement identifier Victor. Nous devons le
retrouver.
Jeudi 18 février 2010, 16 h
12
Il envisageait de conduire jusqu’à sa maison à Auburn, celle qu’il avait partagée pendant quatorze ans avec sa femme, Cynthia. Il se l’imaginait, de retour d’un séjour dans l’est chez ses amis, vêtue d’un pull rose clair et d’un pantalon beige. Cynthia était une femme simple, facile à contenter. Elle s’était bien occupée de
lui.
Elle ne méritait pas de
mourir.
L’idée que Cynthia soit partie pour toujours accéléra les battements de son cœur dans sa poitrine. Il alluma la radio et sélectionna le lecteur de CD. En écoutant le
Concerto pour piano no 21
de Mozart, il s’apaisa.
Cynthia était vivante et en pleine forme, se dit-il. Très probablement, ses amis et elle étaient en train de faire la fête. Il augmenta le volume de la musique en espérant que la mélodie le
transporte.
Son sourire avait
disparu.
Tant qu’il n’aurait pas mis la main sur le dossier, il ne pourrait pas penser correctement. Il songea à la facilité avec laquelle il allait enlever Lizzy et en finir avec elle une bonne fois pour toutes. Et ensuite ? Il devait jouer le jeu. Le seul moyen de mener les choses à leur terme conformément à son plan était de rester patient et
concentré.
Tiens-t’en au
plan.
Laisse Lizzy frissonner ; maintiens le suspense. Tu trouveras la dernière pièce du puzzle dans les pages du dossier du Dr Gates. C’est là que sont consignés tous les secrets les plus sombres et impénétrables de Lizzy Gardner. Tu pourras alors commencer à vraiment t’amuser.
Le morceau de Wolfgang Amadeus Mozart pour orchestre était lyrique et festif. La musique le remplit de joie. Tout irait bien. Il devait juste prendre soin de terminer ce qu’il avait amorcé. Puis, il pourrait retourner dans son ancienne maison et prier pour que Cynthia le pardonne et accepte de le
reprendre.
Jeudi 18 février 2010, 16 h
14
Lizzy s’engagea dans l’allée où habitait sa sœur et coupa le moteur. Elle sortit et scruta les alentours jusqu’à repérer le véhicule du gouvernement garé de l’autre côté de la
rue.
Jared referma la portière du passager et la rejoignit sur le
trottoir.
— C’est l’un de tes hommes ? demanda-t-elle en indiquant de la tête la berline sombre garée de l’autre côté de la
route.
Jared
acquiesça.
— Ronald
Holt.
Elle regarda la maison de Cathy. Elle n’en avait pas envie, elle ne voulait pas annoncer à sa sœur que son mari la trompait. Mais Jared et elle en avaient déjà discuté, elle n’avait pas le choix. La sécurité de Brittany et de sa mère passait avant tout. Elle devait prévenir sa sœur, l’avertir qu’un fou les épiait peut-être.
— J’aimerais tant ne pas avoir à faire ça, dit-elle à Jared tandis qu’ils remontaient l’allée.
— Tu veux que je m’en
charge ?
— Non. Ça ne ferait qu’aggraver les
choses.
Elle appuya sur la sonnette et attendit. Plusieurs minutes s’écoulèrent avant que la porte d’entrée ne s’ouvre. Cathy avait la mine fatiguée, comme s’ils la réveillaient d’une
sieste.
— Que se passe-t-il ? s’inquiéta
Cathy.
Lizzy jeta un œil derrière sa sœur, en direction des
escaliers.
— Brittany est à la
maison ?
— Elle est à son entraînement de
natation.
Cathy plissa les yeux en se tournant vers
Jared.
— Pourquoi êtes-vous
ici ?
— On peut entrer ? demanda
Lizzy.
À contrecœur, Cathy leur céda le passage. Elle ferma la porte et suivit Lizzy au
salon.
— Qu’est-ce qui se passe ? insista-t-elle. Qu’y a-t-il ? Dites-le-moi avant que je fasse une crise cardiaque, pour l’amour de
Dieu.
Lizzy prit la main de sa sœur dans la
sienne.
— Brittany va bien. Mais après notre discussion, nous devrions aller la chercher à l’entraînement et la ramener à la
maison.
— Elle en a encore pour une
heure.
Cathy retira vivement sa
main.
— Dis-moi ce qui se passe, à la fin, Lizzy. Arrête de tourner autour du
pot.
Jared était resté près de l’entrée, les mains enfoncées dans les poches de son
manteau.
— Je ne sais pas par où commencer, fit
Lizzy.
— N’importe où, bon sang. Commence n’importe
où !
— D’accord, tu as
raison.
Lizzy soupira, puis finit par lâcher de but en
blanc :
— Richard a une
liaison.
Cathy leva la main et gifla Lizzy en pleine figure. Jared avança d’un pas, mais Lizzy tendit le bras pour l’arrêter.
— Ça va, dit-elle en effleurant du bout des doigts la joue sur laquelle la paume de sa sœur s’était écrasée. C’est la vérité, confirma-t-elle à Cathy. J’ai des preuves, mais ce n’est pas la seule raison de notre présence
ici.
Le visage de Cathy était cramoisi de colère et elle serrait les
poings.
— C’est pour ça que tu m’as appelée aujourd’hui, n’est-ce pas ? Tu croyais savoir quelque chose à propos de Richard, mais pour une quelconque raison, tu ne m’en as rien
dit.
— Je ne savais pas
comment
te le dire. Tu dois m’écouter.
La rage, la douleur, les années de silence tendu et de culpabilité… tout s’accumulait au-dessus de leurs têtes comme d’épais nuages noirs prêts à éclater et à balayer les liens qui les unissaient
encore.
— J’ai des raisons de croire que l’homme dont je t’ai parlé, l’homme qui m’a embauchée pour suivre sa femme, n’est autre que
Spiderman.
Cathy pinça les lèvres en une ligne
fine.
— Dans le mot que Spiderman a laissé pour moi dans la chambre de Sophie, il disait qu’il me connaissait mieux que quiconque. Si c’est vrai, Cathy, alors il sait que toi et moi avons eu du mal à construire notre relation. Il se sert de cette information sur Richard pour essayer de dresser une autre barrière entre nous. C’est pourquoi je pense que c’est lui qui m’a embauchée pour surveiller Valerie Hunt, la femme que je suivais aujourd’hui lorsque je l’ai vue en compagnie de
Richard.
Cathy releva le
menton.
— Où étaient-ils ?
— Dans un hôtel. Le
Hyatt.
— Pendant combien de
temps ?
— Je te donnerai les détails plus tard, c’est promis. Mais d’abord, tu dois me laisser terminer. Si Spiderman est au courant à propos de Richard, alors cela veut dire qu’il l’a
espionné.
Les yeux de Cathy s’agrandirent d’horreur, alors que la vérité se faisait jour dans son
esprit.
— Ce psychopathe sait où nous
habitons ?
— Je le crains. Il est possible qu’il vous ait tous
surveillés.
Cathy devint livide et elle plaqua sa main sur sa bouche. Au bout d’un moment, elle
demanda :
— Qu’est-ce que je vais
faire ?
— Il y a un agent fédéral garé de l’autre côté de la rue, intervint Jared. Il s’appelle Ronald Holt. Il surveillera l’extérieur de la maison vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Il n’ira nulle part sans être
remplacé.
— Mais je pense que ça ne suffit pas, ajouta Lizzy. Je crois que tu devrais emmener Brittany chez papa et y rester jusqu’à ce que les fédéraux l’attrapent et le mettent derrière les
barreaux.
Le visage de Cathy était
blême.
— Tu ne comprends pas. Brittany vient à peine de commencer à se faire des amis. Pour la première fois dans sa vie, elle a l’impression de réussir à s’intégrer. Je sais ce que c’est que de se sentir perdue à l’école, pas à sa place. Je ne peux pas la déraciner maintenant et lui ôter le peu de confiance qu’elle a acquis. Je ne le ferai
pas.
— Mais tu ne peux pas prendre le risque de la laisser à l’école ou de l’emmener aux entraînements de natation pour le
moment.
— Elle ne peut pas s’arrêter de
vivre.
Cathy tendit le doigt vers
Lizzy.
— Tu l’as dit toi-même. Tu as dit que passer des années à avoir peur de ta propre ombre t’avait rendue
malheureuse.
— Mais c’est toi qui avais raison quand tu disais que vivre cachée n’en restait pas moins la meilleure option des
deux.
Lizzy n’en était plus convaincue en ce qui la concernait, mais Brittany avait la vie devant elle, et Lizzy était prête à admettre tout ce qu’il faudrait pour que sa sœur comprenne qu’elles devaient protéger Brittany quoi qu’il en
coûte.
Cathy secoua la
tête.
— Je ne peux pas faire ça à Brittany. Elle est trop jeune. Elle ne comprendrait pas. Je ne veux pas que son existence soit bouleversée à cause de ce fou. Je refuse de revivre ça par sa
faute.
— Il le
faut.
Lizzy tendit la main pour réconforter sa sœur. Cathy recula, le regard
féroce.
— Ne me touche pas. Je veux que tu sortes d’ici. Reste loin de nous, c’est
compris ?
Elle lui montrait la
porte.
— Sortez. Tous les
deux !
— Ne fais pas ça, supplia Lizzy. Je n’ai jamais voulu faire de mal à qui que ce soit. Tu sais que je ne chercherais jamais à vous compliquer la vie, à Brittany et à
toi.
— Regarde ce que tes mensonges ont fait à papa et maman, et maintenant à moi. Je ne te laisserai pas détruire aussi ma famille. Jamais. Ne m’oblige pas à le répéter, Lizzy. Va-t’en, s’il te
plaît.
CHAPITRE 21
Jeudi 18 février 2010, 19 h
53
Jared était debout dans la cuisine de Lizzy. Il referma son téléphone avant de se frotter l’arête du nez. Sa sœur l’avait appelé pour lui dire que leur mère s’était installée à l’hôtel. Sa sœur s’inquiétait pour leur père, qui s’était remis à boire.
Qui pouvait le lui reprocher ?
Le pauvre homme avait besoin de temps pour encaisser, lui avait expliqué Jared. Sa réponse n’était pas du goût de sa sœur qui, fâchée, avait mis un terme à la conversation aussi rapidement qu’elle avait
commencé.
— Tout va bien ? demanda Lizzy depuis l’autre
pièce.
Jared la rejoignit. Lizzy était assise au milieu du salon, sur le sol, entourée de papiers. Des carnets et des dossiers avaient été alignés méthodiquement d’un côté à l’autre de la pièce. La télévision était allumée, mais le son était coupé. Le chat tournait en rond autour des pieds en bois de sa table
basse.
— Mes parents traversent une mauvaise passe, lui dit-il.
— Oh, je suis
désolée.
— Ce sont des adultes. Ils arrangeront les
choses.
Jared se dirigea vers la cuisinière et versa de la soupe dans un bol, avant de revenir au salon. Jimmy allait venir pour les informer des dernières
avancées.
Lizzy s’affairait, à quatre pattes sur le sol, un marqueur noir à la main. Elle griffonnait des notes dans la marge de ses
documents.
Jared avait passé la majeure partie de la journée avec Lizzy. Il ne l’avait toujours pas vue avaler un morceau. Elle avait pris une douche, enfilé un jogging gris et un t-shirt blanc au col en V, et depuis, elle travaillait. Elle était pieds nus. Ses cheveux étaient relevés en queue-de-cheval.
— Tu n’as rien mangé, dit-il en lui tendant le bol de
soupe.
— Merci. Tu veux bien le poser là, sur la table
basse ?
— Pas avant que tu l’aies
goûtée.
Il se pencha et enfourna une pleine cuillerée dans sa bouche. Elle ouvrit des yeux
ronds.
— C’est bon. Quelle sorte d’épices as-tu mise… ce sont des
câpres ?
— C’est un secret de
famille.
Elle fit la
moue.
— Si tu la bois jusqu’à la dernière goutte, je t’écrirai la
recette.
— Tu es si manipulable,
Shayne.
Il avait envie de la soulever dans ses bras, de la serrer contre lui et de faire disparaître tous ses soucis. Au lieu de cela, il lui tendit une autre cuillerée de soupe, puis posa le bol sur la table
basse.
— Merci de m’avoir accompagnée chez ma sœur aujourd’hui, dit-elle en se replongeant dans ses
notes.
— De
rien.
Il resta un moment debout à l’observer. Ses yeux étaient cernés de noir. La bosse sur son front avait diminué, mais avait pris une teinte plus sombre. Il la connaissait suffisamment pour savoir qu’elle n’aimait pas qu’on la regarde en douce. Elle ne voulait pas qu’on puisse lire la douleur que la perte subite de ses espoirs et de ses rêves lui infligeait. Pour Lizzy, oublier le passé et avancer revenait à se réveiller chaque matin et devoir réapprendre à
marcher.
À vingt heures précises, Jimmy Martin arriva, la mine hagarde. Son costume était froissé, ses épaules s’affaissaient et il avait les traits tirés. Avant que Jared ne l’invite à entrer pour refermer la porte derrière lui, l’assistante de Lizzy apparut, un panier de poulet frit de chez KFC sur les
bras.
— Entrez, leur lança Lizzy, toujours assise par
terre.
Jimmy s’avança et Jessica se glissa à sa suite. Elle les salua, puis tendit le panier de poulet à
Jared.
— Je reviens, lança-t-elle.
Elle ouvrit la porte et disparut. Jimmy semblait perplexe. Jared haussa les épaules, pour indiquer à Jimmy qu’il valait mieux ne pas contrarier les plans de Lizzy. Il emporta le poulet dans la
cuisine.
— J’aurais dû apporter le dessert, dit Jimmy, si j’avais su que vous organisiez une fête tous les
deux.
Jared et Lizzy l’ignorèrent. Jimmy retira sa veste chiffonnée et prit place sur l’un des deux fauteuils que Lizzy avait disposés en face du canapé pour leur réunion impromptue. Jessica revint avec son ordinateur portable et des piles de
dossiers.
— Si quelqu’un a faim, signala Jessica, servez-vous en
poulet.
Lizzy lui sourit d’un air
reconnaissant.
— Bon, dit Jimmy une fois qu’ils furent tous installés, que se passe-t-il et qui êtes-vous ?
Jessica tendit la main vers
Jimmy.
— Jessica Pleiss, étudiante en psychologie à Sac State et assistante d’Elizabeth
Gardner.
Lizzy leva les yeux au
ciel.
— C’est ma stagiaire. Elle a l’intention d’obtenir son diplôme en criminologie pour devenir
profileuse.
— Très bien, dit Jimmy en s’adressant à Jared, rappelle-moi pourquoi je suis
ici ?
— Tu as promis de tenir Lizzy informée à propos de la maison des
Walker.
Jimmy se gratta le
menton.
— Ils ont commencé les fouilles ce matin, mais jusqu’à présent, ils n’ont rien découvert. Il faudra encore un ou deux jours avant d’avoir un rapport
complet.
— Et le fait que Spiderman puisse être médecin ? demanda
Lizzy.
— Quoi donc ? Jimmy desserra sa cravate. Vous n’avez aucun souvenir de son écriture. Nous n’avons pas trouvé d’empreintes sur le mot ni chez les Madison. Pas de traces de pneus ni de pas à l’extérieur. Jusqu’à présent, nous n’avons rien qui nous permette d’associer l’enlèvement de Sophie à Spiderman, mais vous voulez que je lance un mandat pour tous les médecins
suspects ?
— Ce serait un début, répondit Lizzy d’un ton
amer.
— Bien qu’il ne faille pas faire de généralités en ce qui concerne les tueurs en série, intervint Jessica, la majeure partie d’entre eux sont intelligents et ont un Q.I. supérieur à la moyenne. La plupart sont des hommes blancs, soit qui ont été abandonnés, soit qui sont issus d’une famille extrêmement dysfonctionnelle. Il serait tout à fait plausible que ce type soit
docteur.
Jimmy ne répondit
pas.
— C’est toujours mieux que de ne rien faire, ajouta Jessica sans leur laisser le temps de répliquer. Au moins, nous devrions commencer par chaque docteur que Sophie Madison a consulté, mettons au cours des deux dernières années, et nous baser là-dessus.
Jared trouvait le discours de la jeune fille
sensé.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda Jimmy à Jared en ouvrant les mains. Ton groupe de travail
spécial ?
Jared
sourit.
— Oui, on peut dire ça comme ça. Pendant dix ans, Lizzy s’est plongée dans les affaires d’enlèvement de tout le pays. Pendant trois de ces années, elle a siégé au conseil de l’Organisation pour les enfants disparus et exploités. D’après ce que j’entends, Jessica, ici présente, est sur le point de devenir profileuse ; donc, oui, on peut dire que c’est mon groupe de travail. Qu’avons-nous à
perdre ?
Jimmy passa les doigts dans ses
cheveux.
— C’est sûr, bon. Très
bien.
Comme Lizzy avait bien pris soin de se tenir à distance de sa propre affaire, elle n’en savait pas autant qu’elle ne l’aurait dû à propos des découvertes faites par les enquêteurs du FBI depuis quatorze ans. Ainsi, Jared ne fut pas surpris quand elle
demanda :
— Avant que Frank Lyle ne soit arrêté, y avait-il d’autres
suspects ?
— Quelques-uns, répondit Jimmy d’une voix neutre. Aucun d’entre eux n’était médecin. Et je n’ai pas le personnel nécessaire pour envoyer mes propres hommes sur des pistes
annexes.
— Lizzy a de l’expérience, affirma Jared. Elle est détective privée, et elle est volontaire pour nous aider. Ce ne serait pas la première fois que tu ferais appel à une personne extérieure. Bon sang, tu as sollicité un médium pour l’affaire Smith. Ravale ton orgueil, Jimmy, et travaille avec
nous.
La tension était palpable jusqu’à ce que Jessica se lance, avec une attitude prouvant qu’elle n’avait rien à
perdre.
— En 1998, quatre corps ont été découverts, dit-elle, et on pensait que les quatre étaient l’œuvre de
Spiderman.
Jimmy ne semblait pas
impressionné.
— À la même époque, poursuivit Jessica, au moins trois autres filles de la même région et de l’âge des quatre victimes ont été portées disparues. Où sont-elles ? Est-ce que tout le monde a oublié ces
filles ?
Elle plissa les
yeux.
— Comme on n’a pas de corps, alors on les écarte du
tableau ?
Jared se demandait ce qui se passait et il jeta un coup d’œil à Lizzy. La situation critique des filles disparues semblait toucher profondément
Jessica.
— Je veux savoir ce qui est arrivé à ces filles, alors j’ai fait quelques recherches, reprit
Jessica.
Lizzy se pencha en avant,
attentive.
— Deux d’entre elles faisaient de la natation, dit Jessica, tout comme Laney Monroe, votre victime numéro deux. Toutes les filles fréquentaient des établissements différents, mais devinez quoi ? À un moment ou à un autre, elles ont toutes fait partie d’équipes de natation extérieures à leur école. Je n’ai pas pu identifier d’entraîneur particulier commun à ces trois filles, mais voilà qui rajoute quelques noms à la liste de suspects, vous ne pensez pas ? J’ai aussi trouvé la piste d’un docteur quand j’ai ajouté toutes celles dont le corps n’a pas été retrouvé : Dr Bruce Dixon, un médecin de famille. Et ce n’est pas tout. Au total, trois des filles disparues et deux des victimes de Spiderman portaient des appareils dentaires. J’ai entamé la liste des orthodontistes exerçant dans un rayon de cinquante kilomètres. J’ai encore du travail à faire, mais je vous tiendrai tous
informés.
Lizzy regarda
Jimmy.
— Maintenant que vous savez sur quoi mon assistante et moi travaillons, j’aimerais savoir ce que l’agence fait de l’éventualité que Spiderman soit un
médecin.
— Qu’une chose soit bien claire, répondit Jimmy. En ce qui concerne l’agence, nous ne sommes toujours pas certains à cent pour cent que nous ayons affaire à Spiderman sur le cas Sophie
Madison.
— Il m’a laissé un mot adressé personnellement, lui rappela
Lizzy.
— Aucune preuve concrète n’affirme que ces deux messages aient été écrits par Spiderman. C’est peut-être l’œuvre d’un
imitateur.
— Comment ça, « ces deux messages » ?
Jimmy regarda
Jared.
— Tu ne le lui as pas
dit ?
Lizzy jeta un coup d’œil à
Jared.
— Qu’est-ce que tu ne m’as pas
dit ?
— Nous en parlerons plus
tard.
—
Non.
Elle se
raidit.
— S’il te plaît, dis-moi ce qui était écrit sur le second
message.
— « À cause de Lizzy ».
Jared espérait qu’ils allaient passer à autre chose pour le moment, mais Lizzy bondit sur ses pieds et le regarda droit dans les
yeux.
— Où est le
message ?
Comme il ne trouvait pas les mots pour décrire ce qu’il avait vu gravé sur le front de Sophie, il garda le
silence.
Lizzy ne bougeait pas d’un cil. Elle resta un moment immobile avant de sortir de la
salle.
Jessica regarda Jared en se demandant si elle devait faire quelque
chose.
— Je vais lui parler. Vous deux, prenez un peu de
poulet.
Vendredi 19 février 2010, 6 h
21
Il termina de lui détacher les mains. Puis il lui enleva son
bandeau.
— Vas-y, Lizzy. Je te fais
confiance.
Lizzy leva les yeux sur lui en essayant de voir à travers les trous de son masque. Il paraissait plus grand, plus costaud, plus large d’épaules. La dernière fois qu’elle l’avait vu, il avait une épaisse barbe drue. Maintenant, il semblait rasé de près. Sa mâchoire était carrée et
régulière.
— Je t’ai dit d’y aller,
Lizzy.
Son cœur cognait dans sa poitrine tandis qu’elle se relevait sur le sol ferme et faisait quelques pas hésitants. Ses genoux flageolaient à cause du manque d’habitude. Pourtant, elle ne s’arrêta pas. Elle continua en boitillant, s’efforçant de ne pas buter contre la cage dans laquelle il conservait ses précieuses araignées. Elle sortit de la chambre et descendit le couloir d’un pas vif en direction de la salle de bains. Un bref coup d’œil par-dessus son épaule lui apprit qu’il ne la suivait pas, qu’il ne la surveillait même
pas.
Il ne lui avait permis d’utiliser la salle de bains qu’une seule fois auparavant. Elle s’était affamée pendant un mois. S’il la laissait de nouveau se servir de la salle de bains, elle savait qu’elle devrait être suffisamment fine pour se faufiler par la fenêtre au-dessus de la baignoire. Elle ignorait combien de kilos elle avait perdus, mais ses jambes et ses bras étaient squelettiques. Elle se sentait particulièrement faible. Elle avait beau ne pas avoir grand-chose dans le ventre, elle avait envie de
vomir.
Elle tourna la poignée et entra dans la salle de bains, avant de s’empresser de refermer la porte à clé. Il n’aimerait pas, mais elle n’avait pas le choix. Son reflet dans le miroir au-dessus du lavabo la fit sursauter. Ses yeux semblaient creux. La peau sur les os. C’était tout ce qu’elle voyait. Ses cheveux étaient gras et tombaient en mèches molles autour de ses oreilles. Elle passa un doigt osseux sur les carreaux couleur crème qui encadraient le lavabo et remarqua la teinte bleue apaisante des murs. Tout était si propre, si différent de la chambre où il l’avait emprisonnée. Des porte-serviettes circulaires en chrome, des miroirs sans ornement, un chandelier et un vase sans fleurs. La pièce ne correspondait pas au contexte, lui paraissait décalée. Propre et simple − rien de commun avec le chaos qui avait pris possession du reste de la
maison.